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Solutions solidaires: initiative

La campagne française, terre d’accueil pour les réfugiés

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L’association Terre 2 Cultures aide chaque année plus d’une centaine de réfugiés à trouver un emploi dans le secteur agricole. Avec un logement et un accompagnement social global, c’est la promesse d’une autonomie et d’une intégration durable.
(Getty Images)
publié le 26 septembre 2022 à 9h20
Démissions, difficultés de recrutement, télétravail, quête de sens... Comment réenchanter le travail ? Libération organise, en partenariat avec Solutions Solidaires, un forum live le 18 octobre prochain, en direct du journal.

Ils taillent des pommiers, cueillent des tomates, traient des vaches… Ils, ce sont Muktar, Laiq, Richard, des réfugiés afghans employés par des agriculteurs et des éleveurs français grâce au soutien de l’association Terre 2 Cultures. «Nous sommes convaincus que les personnes réfugiées sont embauchables immédiatement. Près de 86% des afghans travaillent dans l’agriculture : exilés en France, ils ont un savoir-faire à valoriser», souligne Pauline Vialaret. La présidente et cofondatrice de l’association de huit salariés, basée à Paris, déplore que la plupart des dispositifs d’accompagnement des réfugiés reposent uniquement sur des cours de français ou de la formation. «Je crois à la mise en emploi directe», martèle Pauline. Educatrice spécialisée pendant douze ans auprès d’un public sans-domicile fixe à Paris, elle a eu le temps de se forger des convictions : «Je ne supportais plus de voir l’accompagnement devenir plus humanitaire que social. On donne à manger, on donne un toit et fin de l’histoire.» Un de ses collègues, Laludin Aftab, exilé afghan et travailleur social, partage son constat. Ensemble, ils créent Terre 2 Cultures pour aider les réfugiés à trouver un emploi et devenir acteurs de leur vie. «Je suis la fille d’un tabaculteur du Tarn-et-Garonne. Je connaissais les difficultés du monde agricole pour recruter. L’idée a germé de faire se rencontrer ces deux populations avec des besoins complémentaires.»

Une langue commune, «celle de la terre»

Depuis son lancement en janvier 2019, l’association a convaincu 16 exploitants agricoles à travers la France d’embaucher des réfugiés rodés au travail manuel, en contrat saisonnier, CDD ou CDI. «Certes les agriculteurs ont besoin de main-d’œuvre mais ils ont aussi un vrai savoir-faire dans l’accueil de personnes qui ne parlent pas français. A Moissac, dans le Tarn-et-Garonne, cela fait quarante ans que les arboriculteurs font appel à des travailleurs d’origine étrangère. Dans les campagnes, on parle la même langue : celle de la terre», insiste la jeune femme. Un exemple ? Dans les Landes, la coopérative agricole de tomates Tom d’Aqui a recruté 20 réfugiés contre 4 la première année. Pour réussir l’intégration, Pauline et Laludin croient en la systémique. «On propose une sorte de “package” aux réfugiés : un emploi, un logement et un accompagnement social global qui comprend beaucoup d’aide sur les démarches administratives et l’accès à la santé», poursuit Pauline. Près de 140 réfugiés sont soutenus chaque année par l’association. La majorité sont des hommes seuls qui ont laissé leur famille au pays. Afghans souvent (ils constituent la première population de demandeurs d’asile en France en 2021 selon le ministère de l’Intérieur) mais aussi Syriens, Soudanais, Erythréens… En février, dix Ukrainiennes ont été accompagnées par Terre 2 Cultures. Quelques Tibétaines sont aussi aidées. «Notre objectif, c’est l’épanouissement personnel des réfugiés, qui passe bien sûr par une autonomie financière. Au début, il s’agit de répondre aux besoins primaires et d’envoyer de l’argent aux familles. Ensuite, ils peuvent se faire plaisir. Certains se sont inscrits dans un club de football, d’autres ont pu rendre visite à des proches dans un pays voisin», explique Pauline.

La moitié des réfugiés aidés par Terre 2 Cultures n’a jamais été prise en charge par une structure sociale. «Nous arrivons à toucher un public d’invisibles, se réjouit la directrice de l’association. Ils nous connaissent par bouche-à-oreille, par le biais de leur communauté.» Et d’ajouter que cette année quarante réfugiés ont réussi à signer un bail et sont sortis du mode d’hébergement saisonnier. Le succès est là mais engendre des frustrations. «Nous avons près de 200 réfugiés en liste d’attente mais l’association n’a pas les moyens humains de les accompagner. Nous avons besoin de financement.» L’appel est lancé pour que la belle initiative continue de pousser.