Il a longtemps vécu avec les animaux. «On les a soignés, nettoyé leurs cages, eu des relations avec eux, comme avec des membres de notre famille, explique André-Joseph Bouglione. J’ai été conditionné à voir les choses de cette manière. Dans la vie, on côtoie la maladie et la mort. Quand on a des animaux qui vivent toute leur vie en cage on se pose des questions. On a vu nos animaux mourir de mort naturelle : ils étaient nés dans cette cage, on ne les avait pas aidés, mais eux si. Il s’est passé quelque chose et on a décidé d’arrêter, il y a dix ans environ», explique le circassien.
Il veut désormais présenter du cirque sans animaux, en même temps que de s’engager pour l’environnement. Plus de camions, voyage par voie fluviale et ferrée uniquement.
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«On est un “cirque écologiste”, confirme Bouglione. On reste dans cette tradition d’aller à la rencontre du public. On présente une empreinte carbone inexistante. On a des retours formidables. Cela fait du bien, de voir un cirque se renouveler, pas seulement en termes de spectacle, mais également en “énergie verte”. Cela touche les gens. Les plus anciens réagissent mal, mais ce n’est pas pour eux qu’on fait cela, c’est pour nos enfants. Les anciens, si on cherche à leur plaire il faudrait faire toujours la même chose. Ils nous ont élevés dans un conditionnement qui ne correspond pas à l’avenir. On ne peut plus continuer à dresser des animaux pour sauver notre business.»
«Mes confrères n’écoutent personne»
L’homme de cirque se dit en rupture avec cette chaîne de transmission. Il a «ouvert les yeux», cette activité a des conséquences néfastes sur la mentalité du public : vivre avec des animaux à qui on ne fait pas de bien. «Je sais que mes confrères n’écoutent personne, lâche-t-il. Je pensais un peu naïvement qu’ils finiraient par se rendre à mes arguments, qu’il s’agit d’une analyse juste de notre métier, qu’ils ouvriraient leur esprit. Malheureusement, les seules réponses que j’ai eues sont des insultes ou des calomnies. On a pourtant enfin une loi qui prévoit que dans les sept ans à venir, aucun animal sauvage ne sera utilisé dans les cirques. Certains pensent que cette loi sera abrogée, ce qui n’est pas possible, car elle correspond à une demande sociale et sociétale. 70% de la population partage cette idée. A long terme ce que je fais va avoir un impact», explique André-Joseph Bouglione.
Il dit aussi que le public n’est pas moins nombreux, que les exemples des cirques «Plume» ou du «Soleil» vont dans le même sens. «Ils ont cartonné sans animaux», admire-t-il. Et de conclure : «On n’a pas le choix de faire autre chose. Pour ceux qui viennent travailler chez nous, c’est un véritable engagement.»