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Libération
Auteurs menteurs (5/5)

Margaret Seltzer, du crack et des craques

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Derrière de grands succès de librairie se cachent parfois des histoires inventées de toutes pièces. Et plus c’est gros plus ça passe… Aujourd’hui, une fausse revenante de l’enfer des gangs.
Margaret Seltzer dans sa chambre, à Eugene (Oregon) en 2008. (Susan Seubert /The New York Times. Redux-REA)
publié le 15 août 2024 à 15h36

Abandonnée à la naissance et trimballée de foyer en foyer, Margaret B. Jones appartenait aux Bloods, un gang de rue afro-américain de Los Angeles. A 14 ans, la gamine dealait déjà du crack et recevait un flingue pour son anniversaire – le cadeau de sa vie. Elle zonait entre le corner et le cimetière. Son frère d’adoption avait été abattu sous ses yeux par les Crips, une bande rivale. Personne n’avait un sou pour l’enterrer ou lui payer une tombe. En septembre 2007, bien après cette période noire, Margaret B. Jones, diplômée et enfin sortie de l’enfer, raconte ses années Bloods dans un livre événement paraissant aux Etats-Unis. «Un témoignage d’espoir et de survie», promet l’éditeur Riverhead Books pour promouvoir Love and Consequences («amour et conséquences», jamais sorti en français).

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Et au départ l’amour est là. Les critiques littéraires, estomaqués, chantent les louanges d’un livre hors normes. «Ce qui rend son récit différent, c’est sa loyauté au langage, au sens de la communauté, les liens étroits qu’elle a tissés avec son gang», vante le Los Angeles Times. «Empathique et profondément touchant», embraye le New York Times, publiant un portrait de Margaret B. Jones, âgée de 33 ans, échappée dans l’Oregon mais encore marquée par la violence (elle sursaute souvent). Six mois après la sortie du livre, elle est pourtant rattrapée par son mensonge. Et il a suffi d’un rapide coup de fil de la sœur de Margaret à la maison d’éditio