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Pourquoi grimpez-vous?

Nadir Dendoune: «L’Everest pour être vu et entendu»

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Une saison à la montagnedossier
Alpinistes, écrivains, guides, sportifs multimédaillés… Quatorze passionnés parlent de leurs montagnes. Le texte de Nadir Dendoune, journaliste, réalisateur et écrivain.
Nadir Dendoune, journaliste et écrivain. (Arnaud Robin/Divergence)
par Nadir Dendoune, journaliste, réalisateur et écrivain
publié le 15 juin 2022 à 9h55

Je m’appelle Nadir. En astronomie, mon prénom signifie «le point le plus bas» de la Terre. Pourtant, le 25 mai 2008, j’ai hissé, sans aucune expérience d’alpiniste, mes 63,5 kg au Zénith, sur le sommet de l’Everest. Une première pour un Maghrébin. Pour un gars du 93. Mektoub.

Je n’ai pas grimpé par amour de la montagne. Parce que pour aimer, il faut déjà connaître. Et moi, avant l’Everest, à part la butte Montmartre et le Mont-Saint-Michel, je n’avais rien escaladé du tout. Wallou.

J’ai pu intégrer une équipe de professionnels de l’alpinisme en pipeautant mon CV. Une sale habitude chez moi. Comprenez-moi : dans ma vie de banlieusard sans réseau, si je n’avais pas triché, si je n’avais pas transgressé, j’aurais eu le droit que de crever dans ma cité.

Alors, j’ai fait croire au chef de l’expédition himalayenne que j’avais déjà escaladé le mont Blanc, le Kilimandjaro, l’Aconcagua… J’aurais pu ajouter la Lune, ça ne coûtait pas plus cher. Croyant avoir affaire à un spécialiste de la montagne, il a accepté ma candidature et m’a embarqué avec le groupe. Et le 25 mai 2008, après plus de sept semaines d’une longue et éprouvante ascension, j’ai atteint le Toit du monde : 8 848 mètres ! Là où passent les avions. L’Everest : pour le symbole. Pour venger ma race de pauvre.

Pour être vu et entendu. Gamin, dans le hall de mon immeuble, avec mes copains de la cité Maurice-Thorez à l’Ile-Saint-Denis (Seine-Saint-Denis), je criais l’injustice des miens dans un désert assourdissant.

Et depuis le 2