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La Bibliothèque publique d’information prend ses quartiers : une bibliothèque à vivre

Ateliers de langues, permanences sociales, espaces musique et jeux vidéo… à l’occasion de son déménagement dans l’immeuble Lumière, à Paris, retour sur une institution culturelle qui n’est pas «qu’une» bibliothèque.

Dans les nouveaux locaux de la BPI, dans le XIIe arrondissement à Paris, où elle est relogée pendant les travaux du centre Pompidou, le 6 septembre. (Albert Facelly/Libération)
Publié le 17/09/2025 à 20h47, mis à jour le 18/09/2025 à 13h02

La Bibliothèque publique d’information (Bpi), c’est 327 000 livres, 1 450 titres de revues, sans compter des milliers de documents audiovisuels et de ressources en ligne. C’est aussi, on le sait moins, des ateliers de langues, des permanences sociales, un espace dédié à la musique avec des pianos en accès libre, un salon de jeux vidéo… Avec des associations partenaires, une cinquantaine de salariés assurent ces services, qui s’inscrivent dans l’ADN de l’institution culturelle. Car la Bpi n’est pas une bibliothèque de prêt (elle n’a par ailleurs ni stock ni documents anciens), mais plutôt «une bibliothèque à vivre». A Beaubourg comme au Lumière, on s’attarde le temps de consulter les ressources sur place, sur l’un des 1500 postes de travail et de lecture à disposition, et de vivre le lieu. Passage en revue des services proposés.

S’auto-former et apprendre des langues

Ce vendredi de septembre, c’est la reprise des ateliers de langues au Lumière. Il est 12h45, une annonce retentit pour proposer une session de FLE (français langue étrangère) pour débutants. Dans une petite salle, Marion, chargée des médiations en langue, accueille les premiers participants. Parmi eux, une famille afghane et un quinquagénaire indien, père d’une jeune fille venue suivre ses études en France. L’atelier débute sur un mot : «Bienvenue !». Une heure plus tard, chacun repart avec de nouvelles phrases en tête, et peut prolonger l’apprentissage dans l’espace dédié à l’auto-formation. Doté de 4 000 ressources (livres, CD, plateformes de eLearning), il est l’un des axes forts du projet de la Bpi. Il permet de s’initier à plus de 200 langues, du français à l’anglais, jusqu’au navajo ou au swhaili, mais aussi de se former dans une multitude de domaines : marketing, maths, permis de conduire… La musique, elle, occupe un espace entier (doté de 25 000 albums et plus de 500 disques vinyles), où trônent des pianos en libre accès, mais aussi, depuis peu, des postes dédiés à l’initiation à la musique assistée par ordinateur. Quoi de plus logique, pour valoriser ces fonds, que de proposer des ateliers de conversation, de FLE, mais aussi de musique et de chant ? «La BPI, ce n’est pas l’école, ce n’est pas l’université, c’est un lieu de parcours de vie et d’apprentissage, dit Anne-Françoise Blot, directrice du département Collections et Médiations. N’importe qui, dans n’importe quelle situation sociale et personnelle, peut entrer ici, consolider ses connaissances, et petit à petit explorer les collections.»

Accompagner et écouter tous les publics

Pour s’ouvrir à tous les publics, la Bpi multiplie les portes d’entrée. Parmi elles, les permanences sociales répondent à un «besoin qui ne faiblit pas», euphémise l’équipe. Ces rendez-vous spécifiques visent à accompagner les publics en situation de rupture avec le travail, le numérique, la société… La BPI propose ainsi, en partenariat avec des associations, un service d’écoute anonyme (40 permanences annuelles, pour plus d’une centaine de participants), des rendez-vous dédiés à la recherche d’emploi et à la vie professionnelle (une cinquantaine d’ateliers et de permanences pour quelque 300 personnes), des entretiens individuels pour renseigner sur l’accès aux soins, ou encore une permanence d’écrivains publics. Celle-ci existe depuis des décennies, et se décline aujourd’hui en «écrivains publics numériques», une nécessité face au manque d’accès matériel et à l’absence de familiarité avec l’outil informatique d’une partie de la population. L’atelier Déclic informatique complète ce dispositif, en dispensant des compétences de base.

En pratique, la liste des permanences est affichée et détaillée dans le programme, et une annonce est faite avant le démarrage de chaque rendez-vous. L’anonymat et la gratuité du lieu favorisent ce rôle social. «Vous y entrez librement, c’est vraiment un espace public, sans barrière à l’entrée, ce qui facilite la venue des publics fragiles», détaille Anne-Françoise Blot. L’amplitude horaire et l’ouverture les week-ends sont d’autres atouts pour répondre aux besoins des plus précaires. A partir de ce canevas initial, les équipes s’adaptent : quand, ces dernières années, elles ont observé que la Bpi devenait un espace de vie précieux pour de nombreux jeunes étrangers en recours de minorité, une offre d’apprentissage pour faciliter leur réinsertion scolaire a été mise en place. «L’idée, c’est de cultiver le lien humain», résume-t-on simplement à la BPI.

Jouer et rencontrer des vidéastes

Depuis une douzaine d’années, le jeu vidéo occupe une place majeure. «Nous sommes une bibliothèque du monde contemporain, en mouvement, et nous défendons tous les supports, toutes les pratiques culturelles, pop culture et cultures urbaines comprises bien sûr», explique la directrice du département Collections et Médiations. Au Lumière, une dizaine de postes avec consoles permettent de découvrir à l’année quelque 500 jeux vidéos, qui explorent à leur façon les enjeux sociétaux de notre temps. Et jusqu’au 7 décembre, le festival Press Start déploie sa dixième édition baptisée (Dé)construction, à raison de deux rendez-vous par mois et d’un week-end de clôture. Les amateurs de jeux de construction ou de world-building pourront s’essayer à réinventer l’iconique centre Pompidou dans Minecraft – tout est permis, de l’hommage au détournement, et jusqu’à l’effondrement. Egalement au menu, des ateliers sur les métiers du secteur (avec la participation de l’école des Gobelins), une découverte des coulisses des jeux vidéos, des sélections de jeux cosy pour construire de somptueux univers imaginaires, des plongées dans l’univers de Super Mario Maker… Et des rencontres rassemblant chercheurs, critiques, vidéastes et autres experts du monde vidéoludique, pour questionner les rouages de l’industrie du jeu vidéo et l’avenir du secteur. Par exemple : comment rendre ces terrains de jeu plus divers et plus inclusifs ?

rendez-vous (entre autres)

Un festival de jeux vidéo Press Start (jusqu’au 7 décembre au Lumière), de films documentaires (Cinéma du réel en mars 2026), des cycles consacrés à des cinéastes (la Hongroise Judit Elek jusqu’au 5 novembre au Forum des images, un autre à l’Arménien Harutyun Khachatryan du 9 octobre au 30 novembre au MK2 Bibliothèque), des débats («le Monde sur un fil», organisée avec la revue Esprit (du 2 au 31 décembre) ou le festival littéraire Effractions (en février 2026), sont au programme de la rentrée. A tester : des rencontres participatives «De quoi parle-t-on ?» ou le cycle «le Pari de l’œuvre», en partenariat avec l’Ircam (à l’Ircam).