Culturellement apatride
Mon père est français. On pourrait même croire qu’il n’est que français. Il est blanc, il ne nous parle, à mon frère, ma sœur et moi, qu’en français. Il réside en région parisienne dans un de ces nouveaux pavillons qui n’ont pas vécu grand-chose. Mais il suffit de remarquer son nom à rallonge écrit sur sa carte d’identité, de le voir composer des numéros avec l’indicatif 00212, il suffit de tendre un peu le cou, de sa fenêtre, pour observer les avions décoller d’Orly-Sud pour comprendre que si son pied est ici, son esprit, parfois, est ailleurs.
Son entêtement à ne pas voter, mais à se sentir concerné par les élections, ses deux mariages, avec ma mère, une Française, puis avec une Marocaine, sont certains des symptômes de sa schizophrénie culturelle. Une maladie assez répandue chez les personnes de double nationalité. Il cherche le compromis, la juste mesure, là où les autres portent un regard unique sur les choses.
Mon père est né marocain, dans la petite ville traditionnelle et sèche de Settat, en 1960. Ma grand-mère lui a donné le prénom d’Abdelrhani (Rhani, pour les intimes), et mon grand-père son nom : Tantaoui-Elaraki. Il est le numéro douze d’une fratrie de treize enfants. Lorsqu’il vient au monde, il est déjà oncle.
«Ma mère s’est mariée à quatorze ans avec mon père. Lui, il était majeur. Il devait épouser la sœur aînée des Ben Jelloun, mais la cadette lui plaisait plus. Ma mère est tombée enceinte très vite après les noces.»
A partir de là, ma grand-mère,