La forêt de Sherwood, le maquis corse, la forêt du Marsupilami… Retrouvez tous les épisodes de «Promenons-nous dans les bois».
Promenons-nous dans les bois, pendant que les artistes y sont encore. Longtemps, les peintures de l’école de Barbizon ont rimé pour moi avec barbant, ce qui caractérisait une profonde méconnaissance des règles poétiques, mais aussi de la peinture. Ce n’est que la vieillesse venue, un peu après la trentaine, que la douceur paysagiste des Théodore Rousseau, Jean-Baptiste Camille Corot et Charles-François Daubigny m’apparurent comme une évidence. Ces artistes et d’autres, de 1820 jusque vers 1875, ne formèrent jamais vraiment une école. Mais ils allèrent tous puiser leur inspiration dans la forêt de Fontainebleau et boire le soir dans les tavernes de Barbizon, incarnant le romantisme français.
Face aux chênes de Rousseau, aux troncs immenses et aux larges branches s’étendant de chaque côté pour que le paysan puisse s’y abriter du soleil et des intempéries avec ses bêtes ; face encore à ses lisières du bois, notamment celle du Monts-Girard, qui me touche particulièrement, allez savoir pourquoi ; face aux Blanchisseuses de Daubigny, travaillant en bord de rivière tandis que les feuillus dansent derrière elles ; face aux carrières de Théodore Caruelle d’Aligny où se reposent les travailleurs autour d’une bouteille de vin et où l’on grimpe aujourd’hui ; face à tous ces arbres et aux cinquante nuances de verts qui les composent, on se sent de retour en enfance, dépassé par la beauté de la nature.
Ce que j’ai mis encore plus de temps à comprendre, ignorant que j’étais, c’était que cette beauté résultait d’un combat de haute lutte. A la fin des années 1830, Rousseau et ses camarades fondèrent l’Association des amis de la forêt de Fontainebleau. Ils étaient agacés de sa gestion, notamment les résineux plantés sur des centaines d’hectares, ce qui dénaturait les lieux. Sous leur pression, plusieurs «sanctuaires de la nature» furent créés. A l’époque, la forêt était perçue uniquement comme une ressource, de gibier ou d’arbres que l’on coupe. Pour la première fois, la dimension esthétique et pittoresque a primé. La forêt de Fontainebleau est devenue le premier parc naturel du monde, rappel utile de l’importance de la culture pour l’écologie, ce que trop souvent certains oublient.