La jeune fille entre dans l’amphi, encore à marée haute en cette rentrée universitaire 1973 à Aix-en-Provence. Elle vient de fêter ses 19 ans, elle porte cheveux courts et khôl autour des yeux. Tout sauf discrète avec sa jupe en patchwork, mais après tout, une comédienne, ça doit se faire remarquer : parallèlement à sa deuxième année de sociologie, elle est inscrite au conservatoire de théâtre de Marseille. On compte d’ailleurs sur son éloquence pour la mission du jour : l’Unef, le syndicat étudiant pour lequel elle milite, veut motiver les nouvelles recrues pour renforcer la mobilisation qui commence à se structurer. Car il y a péril en la fac : depuis le printemps précédent, le ministre de l’Education nationale, Joseph Fontanet, a réveillé la contestation de la jeunesse, qui couve toujours depuis 1968, en présentant une réforme qui, selon ses détracteurs, favorise la sélection des étudiants à la fac et formate le système universitaire français selon les besoins du patronat. Engagez-vous, l’Unef a besoin de vous, plaide avec énergie la jeune militante face à l’amphi des néos. Elle s’appelle Ariane Ascaride.
Au fond de la salle, elle remarque un duo de «frimeurs», un peu atypique. L’un est blond, l’autre a les cheveux noirs, «à la Angela Davis». Leurs blousons en cuir et leurs casques de riders trônent à côté d’eux : ils viennent à Aix à moto, mais n’y traînent pas, trop de bourgeois au mètre carré. Pour eux, la vraie vie est au quartier, au bout de Marseille à