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Libération
Cartes postales

Beach, oh ma beach: on écrit à «Libé» depuis la plage

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Du Kerala à Odessa, de Koh-Lanta à Skhirat, nos journalistes adressent des cartes postales, illustrées par Coco, à leur journal.
(Coco/Liberation)
publié le 1er août 2022 à 11h43

Samedi 23 juillet, dernières pensées depuis la plage du «Château de sable»

Mon cher Libé,

J’utilise mes dernières forces pour t’écrire ces quelques mots, sans doute mes derniers. Je suis allongé dans le sable chaud, des grains glissent sur la feuille que j’ai retrouvée dans mon sac, et je n’ai plus beaucoup de force. Ce matin, j’avais 36 ans, tout allait bien dans ma vie, j’étais en parfaite santé, au pire avais-je un peu mal au dos, un léger embonpoint et une calvitie précoce. Ce soir, j’en ai bientôt 80, je n’ai plus de cheveux, des rides profondes me lacèrent le corps et mes dents se déchaussent. Comme tout le monde autour de moi, tous ces gens bloqués sur cette plage paradisiaque, au doux air de Bretagne, cernée par les falaises et les fougères. Impossible de nous échapper : dès que nous essayons de nous enfuir, une barrière invisible nous arrête. Le temps défile : chaque heure qui passe, nous vieillissons de plusieurs années. Très vite, les plus âgés d’entre nous sont morts. D’abord la vieille dame venue en famille, puis le médecin raciste, puis l’écrivain de science-fiction qui avait tout compris, puis le réalisateur américain M. Night Shyamalan et le dessinateur de BD Frederik Peeters. Je me demande bien ce qu’ils faisaient là. Peut-être des repérages pour un album ou un film ?

Les enfants devenus grands, qui n’étaient que des bébés ce matin, sont étonnamment calmes. Ils ont été subjugués par leurs changements physiques, je crois qu’ils sont allés même essayer leurs nouveaux corps dans les fourrés et sur les rochers. Une fille est tombée encei