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Libération
Série d'été

Beach, oh ma beach: on écrit à «Libé» depuis la plage

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De la Grande-Motte aux îles Tuamotu, du Sénégal à la Thaïlande, nos journalistes adressent des cartes postales, illustrées par Coco, à leur journal.
(Coco/Liberation)
publié le 27 août 2022 à 16h22

Lundi 22 août, depuis l’«Anabase» de Xenophon

La mer ! La mer, mon cher Libé !

Je t’écris d’une plage du Pont-Euxin, enfin sain et sauf. Voilà plus d’un an que nous marchons, nous les Dix-Mille, les mercenaires grecs engagés par Cyrus le Jeune, en 401 avant J.-C. Dans cette guerre de succession qui nous a menés au milieu de l’immense empire perse, nous sommes restés invaincus, gagnant toutes nos batailles. Cyrus, lui, a été tué, ses armées ont été dispersées, et nous tentons, depuis, de rentrer chez vous. Nous avons failli mourir de chaud en Syrie, et de froid dans les montagnes arméniennes, mais nous touchons au but. Maintenant que nous avons atteint les rivages du Pont-Euxin, connu sous le nom de mer Noire, la suite du chemin devrait être moins dangereuse. Sur la plage, les hommes épuisés s’embrassent tous de joie, en oubliant les grades, les hiérarchies, les ­inimitiés passées. Pour célébrer l’événement, les combattants dressent un grand tertre, un monticule sacré où ils vont brûler les boucliers et tous les objets des ennemis dont nous nous sommes emparés. Moi, je me déshabille. J’ai hâte de me tremper dans l’eau salée, pour me laver de tant de poussière soulevée et de sang versé.

Je ne le sais pas encore, mais notre épopée, glorieuse, va rester dans l’histoire. Elle fascinera les géographes d’Europe sur les contrées lointaines que nous avons visitées. Les tacticiens militaires parleront de nos batailles et de notre retraite, comparée parfois à la Bérézina de Napoléon. Et si la Longue Marche de Mao Zedong s’app