Tous les épisodes de notre série de l’été 2022, «Une histoire peut en cacher une autre», à retrouver ici.
C’est un roman que l’on ne peut résumer, le roman de l’absolu : on y trouve ce que la passion a de plus beau et de plus insupportable, la truculence des mots et le lyrisme des émois. Belle du Seigneur, qu’on l’encense ou qu’on l’exècre, restera dans l’histoire comme le grand roman d’amour du XXe siècle, et ses deux héros, Solal et Ariane, l’incarnation de la brûlure des sentiments et de tout ce qu’elle charrie de démesure, bonheur fou, désir, solitude, fourvoiements et désespoir. Albert Cohen, son auteur, mettra de nombreuses années à transformer la matière qu’il avait au bout des doigts en «chef-d’œuvre absolu» comme le qualifiera Joseph Kessel à sa parution. Entamée dans les années 30, la rédaction de ce livre sera interrompue par la Seconde Guerre mondiale puis ralentie par les corrections et les valses-hésitations de l’auteur. On n’écrit pas d’un jet ni sans souffrances une telle somme. Publié en 1968, ce livre deviendra vite une des plus grosses ventes de Gallimard et sera traduit dans une vingtaine de langues.
Un roman puise souvent dans la réalité, la transformant, la magnifiant ou parfois l’accablant, ce qui peut conduire souvent à d’incessants drames familiaux ou amoureux. Albert Cohen a-t-il eu recours à sa seule imagination pour écrire Belle du Seigneur ? On peut en douter. Derrière le mythe d’Ariane, il n’est pas impossible que se cache une femme en chair et en os, une femme à qui l’écrivain voua plusieurs années durant une véritable passion,