Dans la vie d’un homme, combien de renaissances ? Originaire de La-Chaux-de-Fonds, cité suisse horlogère, Frédéric Louis Sauser n’a jamais cessé d’être à rebours et de se réinventer. Celui qu’on surnommait «Freddy» ou «Fritz» s’est d’abord débarrassé de son nom. De la dèche, à New York, en 1912, jaillit l’écrivain Blaise Cendrars. Braise, cendre, art. Le pseudonyme sonnait comme un poème.
L’auteur et reporter fut l’architecte acharné de sa propre légende. Ses écrits autobiographiques fusionnaient le beau, le vrai, le faux. Quand ses parents l’envoient en Russie, en 1904, pour se former auprès d’un horloger de Saint-Pétersbourg, il transforme l’affaire en fugue, et raconte qu’il a lui-même orchestré sa fuite. Ce jour-là, les trains partaient à l’est, mais il jure qu’il aurait aussi bien pu partir en sens inverse, et finir à Lisbonne ou en Amérique.
«Qu’est-ce que ça peut te faire ?»
Son voyage dans la Russie profonde donna naissance au poème la Prose du Transsibérien et de la petite Jehanne de France, en 1913. Si bien raconté («le train palpite au cœur des horizons plombés»), attentif aux jurons des joueurs de cartes, au bruit des essieux grinçant sur les rails congelés… Mais il semblerait que le Suisse ne soit jamais monté à bord. Pourtant, sans cesse, il assurait le contraire, il n’en démordait pas. Un jour, au journaliste Pierre Lazareff qui lui dema