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Libération
Série d'été

Chantiers pharaoniques : en Libye, la «Great Man-Made River» vise trop eau

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Plus haut, plus long, plus fou (5/5) Aujourd’hui, l’infrastructure géante déployée par le despote libyen pour pomper l’eau de nappes phréatiques fossiles.
En 2003, dans une usine libyenne de fabrication de cylindres, destinés à la Grande Rivière artificielle. (Yves Gellie / akg-images/Yves Gellie / akg-images)
publié le 13 août 2025 à 16h23

L’érosion a modelé les océans et les rivières en quelques millions d’années ; les pelleteuses pourraient le faire en quelques dizaines. C’était, du moins, l’idée initiale : en 1953, alors que le gouvernement libyen sonde son sous-sol à la recherche d’or noir, il découvre d’immenses gisements d’eau douce fossile. Dès 1984, le gouvernement de Muammar al-Kadhafi débute le chantier de la Grande Rivière artificielle (Great Man-Made River, en anglais) : à travers le désert libyen, des files de camions se relaient pour acheminer des tronçons d’oléoduc, des pelleteuses et, on peut l’imaginer, des millions de bouteilles d’eau pour les travailleurs.

La manne providentielle est ce que les hydrologues appellent de l’eau fossile : des réserves d’eau pure qui se sont constituées au fil de milliers d’années. La nappe phréatique du bassin de Nubie, étendue sur 250 000 km entre la Libye, l’Egypte, le Soudan et le Tchad, qui s’est formée lors de la dernière période glaciaire (commencée il y a 115 000 ans et terminée il y a 11 700 ans), ne se remplit plus aujourd’hui. Symboliquement, un verre d’eau de cet aquifère est donc aussi unique et précieux qu’un verre de pétrole.

Le chantier de la plus grande infrastructure d’irrigation du monde a un coût estimé à près de 25 milliards de dollars (21,6 milliards d’euros). Comme le souligne à l’époque le journaliste Christophe Ayad