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Libération
Les livres de l’été (1/3)

Chasse à l’homme, «cold case», conte de fées moderne: qu’est-ce qu’on lit cet été?

Avec les douze conseils lecture de «Libé», voyagez de l’Ombrie à Acapulco, enquêtez sur un hôtel maudit ou sur une famille disparue, découvrez une micronation ou riez des gaffes d’un diplomate atypique.
publié le 13 juillet 2022 à 15h30

«Après la pluie», de Chiara Mezzalama

Cela commence par un banal adultère. Elena et Ettore sont mariés depuis vingt ans, ils ont une fille adolescente et un petit garçon. Ettore, un ponte du BTP, couche avec une jeune femme du bureau. «Que faire lorsque votre monde commence à s’écrouler ?» Ainsi commence l’essai d’Anna Tsing, le Champignon de la fin du monde, qu’Elena est en train de traduire. Elle travaille aussi comme interprète lors des conférences sur le climat. Ettore supporte mal son «militantisme catastrophiste».

Consciente des clichés qui la guettent, Elena part se réfugier en Ombrie. Le roman précipite ses personnages dans le désastre. On est début octobre, l’été a asséché l’Italie, il fait une chaleur anormale quand le déluge s’abat. Ce n’est pas seulement le couple qui prend l’eau, c’est Rome tout entier qui se noie. Ettore a pris la voiture et emmené les enfants rejoindre Elena. Elena tente de venir à leur rencontre. Mais «le dragon de boue» s’interpose.

Si nous avons quitté les rives du roman d’amour, nous ne sommes pas non plus dans une dystopie. Sur le chemin d’Elena, il y a un séduisant homme des bois. Ettore, de son côté, n’est pas en manque de refuges. Une Japonaise lui donne cette leçon que le roman illustre : «Ne restez pas là à vous torturer, la famille n’est pas viable sur le plan écologique. Il faut aller chercher les liens ailleurs, dans ces projets de vie commune. Ce sont les rencontres qui font la famille, pas le sang. Ça aussi, on devra l’apprendre si on veut survivre sur cette Terre.» (Claire Devarrieux)

Chiara Mezzalama, Après la pluie, traduit de l’italien par Léa Drouet. Mercure de France, 234 pp., 23,50 euros (ebook : 16,99 euros).

«Où naissent les héroïnes», de Claire Vigarello

Si vous avez un coup de mou, que la vie vous paraît fade et les problèmes du quotidien insurmontables, plongez-vous dans ce roman de Claire Vigarello qui, sous couvert de conte de fées, en dit bien plus sur les milieux littéraires que nombre de romans à thèse.

Sylvie est secrétaire dans une entreprise qui fabrique des matelas. Elle est d’une timidité maladive, incapable de regarder quelqu’un dans les yeux, complexée par tous ces kilos en trop qui la font se sentir «obèse». Car pour remplir le vide qu’elle sent en elle, Sylvie mange. Glaces, gâteaux, gaufres, tablettes de chocolat… tout y passe, à n’importe quelle heure du jour et de la nuit. Et plus elle dévore, plus elle se sent invisible. Il faut dire que sa vie n’a rien de réjouissant : elle se sait sur une liste d’employés à licencier, son mari est en dépression et ses deux garçons en pleine crise d’ado. Quand elle craque, elle se réfugie chez Mireille, une vieille dame bougonne et cash. Et sur le parking du supermarché où, dans sa voiture, elle peut enfin laisser libre cours à ses pensées. C’est là qu’un jour lui apparaît Charlotte. Celle-ci est tout ce qu’elle n’est pas, mince, culottée et prête à assouvir tous ses fantasmes sexuels. Pendant des jours entiers, Sylvie va écrire les aventures de Charlotte sans imaginer une seconde que celles-ci vont devenir un best-seller, transformant sa vie pour le meilleur et pour le pire. Un roman jubilatoire et tendre qui, à Hollywood, ferait une formidable comédie à l’américaine. (Alexandra Schwartzbrod)

Claire Vigarello, Où naissent les héroïnes, Albin Michel, 411 pp., 20,90 euros.

«Affaire classée à la Meije», de Nicolas Le Nen

Qui a tué le richissime lord Peter Witchell, disparu sur les arêtes de la Meije ? Dans le décor grandiose du massif des Ecrins, tout est prêt pour un Cluedo à près de 4 000 mètres d’altitude. Le lieu : entre le pic Central et le Grand Pic, une crête verglacée qui a vu déraper plus d’un alpiniste. Les indices : un piolet, une paire de crampons douze pointes (important, les douze pointes) et un sac à dos. Des suspects à la pelle : un jeune Italien, un guide louche, deux frères croisés au refuge… A moins qu’il ne s’agisse du propre cousin de lord Witchell. Ou d’un kidnapping ! Et pour compliquer la partie, un infime détail : le crime a eu lieu le 25 août… 1950.

Car Affaire classée à la Meije, le dernier roman de Nicolas Le Nen, militaire de carrière passionné d’alpinisme et de littérature de montagne, s’est lancé un audacieux défi. Reprendre, soixante-seize ans après, l’enquête du livre culte d’Etienne Bruhl, Accident à la Meije, paru en 1946 (1).

Ce sont donc les petits-fils des protagonistes du premier roman que l’on suit dans ce polar alpin. Le point de départ de cette nouvelle aventure : l’écroulement d’un pan de montagne qui a fait réapparaître un piolet et cette paire de crampons appartenant au défunt. Mais leur emplacement ne colle pas avec les lieux supposés de «l’accident». La brillante démonstration menée à l’époque ne tient plus. La partie recommence. (Fabrice Drouzy)

(1) L’auteur avait écrit son roman dans un camp en Allemagne au début de la Seconde Guerre mondiale. Le livre a été réédité aux éditions Hoëbeke.

Nicolas Le Nen, Affaire classée à la Meije, Hoëbeke, 236 pp., 19 euros.


«27, rue des Fontenelles», d’Hélène Millerand

Elle ne ressemble pas à la vôtre mais vous la connaissez : elle est «la maison des parents». Celle d’Hélène Millerand se situe à Sèvres, à dix minutes de Versailles où les quatre filles vont au collège. Avant la guerre, ils vivaient rue de Varenne mais «le Paris des beaux quartiers n’est plus à leur portée, les faubourgs, il n’en est pas question, reste la banlieue». La banlieue ouest, bien sûr. Le père, magistrat, est le fils de l’ancien président de la République Alexandre Millerand. Il s’agit d’une bourgeoisie peu fortunée mais riche de livres, de meubles et de tableaux. On vendra une ou deux toiles pour installer le chauffage central.

Un homme et une femme du monde d’hier revivent par la grâce d’un regard sur leur corps, leurs vêtements, leurs habitudes. Le récit de leur benjamine est en deux parties. Elle s’adresse à son père, Jacques (1904-1979), puis à sa mère, l’élégante Miquette (1906-1994). Une extraordinaire tendresse se dégage du premier portrait. Le second est fugacement assombri par les migraines, les colères qui peuvent rendre une mère indéchiffrable pour une petite fille, alors qu’elles passent toutes leurs journées ensemble pendant presque dix ans. Les parents ont perdu un petit garçon en 1942. En 1943, le père de Miquette est mort à Auschwitz. Jacques est celui qui protège femme et filles, celui qui se lève la nuit pour déminer les cauchemars. Il est sociable, aimé de tous. La mère va vieillir seule, et vieillir bien. «Maintenant, c’est toi qui prends toute la lumière.» (C.D.)

Hélène Millerand, 27, rue des Fontenelles, Arléa, 84 pp., 15 euros.


«Traqués», d’Adrian McKinty

Tom et Heather partent en voyage avec leurs enfants en Australie. Jusque-là tout va bien. En mal de koalas et autres kangourous, la petite famille décide de faire une excursion sur une île un peu perdue. Leur voiture dérape, et entre en collision avec une jeune femme qui circule à vélo. Paniqués, ils essaient de cacher le corps, pour ne pas avoir affaire avec les habitants de l’île, une famille – très – nombreuse venue autrefois d’Irlande, et dont les différents membres n’auraient pas eu à passer de casting pour obtenir un rôle dans le cultissime film de John Boorman, Délivrance.

Au milieu de cette fratrie diabolique règne un personnage «hénaurme», dans tous les sens du terme, «la Mère», qui dirige d’une main ferme tous ces dégénérés. Qui vont se mettre sur les traces de nos malheureux touristes, pour assouvir leur soif de vengeance. Heureusement, Heather a un atout maître en main, celui d’avoir eu un père militaire qui lui a enseigné quelques principes de survie…

Salué par ses pairs (Stephen King, Don Winslow ou encore Karin Slaughter) pour son art du suspense, Adrian McKinty, qui est par ailleurs critique littéraire, a reçu à deux reprises le prix Edgar Allan Poe. Il vit à New York et enseigne l’anglais. On aimerait l’avoir comme professeur. On lui souhaite aussi de continuer à écrire. Mais pas de servir de modèle ou d’inspiration à un de ses romans… (Didier Arnaud)

Adrian McKinty, Traqués, Mazarine «Thriller», 368 pp., 22 euros.

«Le Silence et le Bruit», d’Hélène Cohen

C’est en assistant à l’enterrement de son père que la narratrice découvre, gravés sur la pierre tombale, les noms de son grand-père Mimoun, de sa grand-mère Yvonne, de sa tante Colette et de son oncle Jean-Jacques «disparus en juin 1962 en Algérie». Pourquoi n’a-t-elle jamais entendu parler d’eux ? Et qu’est-ce que ça veut dire «disparus» ? Que leur est-il arrivé ? Telle Anne Berest dans la Carte Postale, best-seller de l’automne dernier, Hélène Cohen va mener l’enquête pour essayer de comprendre ce qui a pu arriver à ses ancêtres et surtout ce silence qui a entouré leur disparition.

Pourquoi un tel déni ? Par petites touches, recueillant un témoignage ici, retrouvant une lettre là, elle va dessiner les contours d’une famille française heureuse et insouciante dans l’Algérie coloniale, que la guerre va faire imploser. Qui a intercepté la Citroën ID de Jean-Jacques un jour de juin 1962 alors qu’il se rendait à Oran pour acheter des billets d’avion, puis celle de Mimoun, Yvonne et Colette qui étaient partis à sa recherche le lendemain ? Pourquoi les autorités françaises ne se sont-elles pas davantage démenées pour mener l’enquête et retrouver celui ou ceux qui les avaient kidnappés et vraisemblablement tués ? Et combien sont-ils à s’être volatilisés de la sorte ? C’est un livre poignant et passionnant sur cette période qui précède la signature des accords d’Evian que l’on commémore cette année. «Moi qui n’ai jamais voulu avoir d’enfants, serais-je enceinte de mes ancêtres disparus ?» s’interroge Hélène Cohen. (A.S.)

Hélène Cohen, le Silence et le Bruit, Stock, 363 pp., 21,50 euros.


«Notre otage à Acapulco», de Jean-Christophe Rufin

Le «calamiteux» consul Aurel Timescu reprend du service. La fille d’un homme politique en campagne, proche de l’Elysée et qu’on imagine bientôt ministre, a disparu au Mexique. Le Quai d’Orsay est chargé de régler l’affaire, en toute discrétion bien sûr… Cela tombe bien, à Mexico, l’ambassadeur ne veut pas de vagues : d’où l’idée d’envoyer à Acapulco, dernière ville où a été vue la jeune Martha, un «consul adjoint détaché» avec mission express de «ne rien faire». Voilà qui semble dans les cordes de notre diplomate atypique, gaffeur impénitent, grand amateur de Tokay et pianiste de bar à ses heures perdues (qui sont nombreuses).

Las, l’attachant Aurel Timescu a un talent pour les catastrophes. En dépit d’une indéniable mauvaise volonté, que stimule son incroyable paresse, l’enquête avance à grand pas ! Entre tequila et mezcal, fantômes de Hollywood et mélodies de Sinatra, Aurel va-t-il retrouver (à l’insu de son plein gré) l’adolescente égarée ? D’autant que la jeune fille modèle n’est pas l’oisillon perdu qu’on imaginait…

Cinquième opus des aventures du consul atypique, Notre otage à Acapulco est l’occasion pour Jean-Christophe Rufin de décrire un pays et une ville à la merci des cartels de la violence, tout en caricaturant, avec une jubilation visible, les travers de certains diplomates en poste – que l’auteur, ancien ambassadeur, connaît bien. (F.D.)

Jean-Christophe Rufin, Notre otage à Acapulco, Flammarion, 380 pp., 20 euros.


«Sa vie pour Picasso», de Brigitte Benkemoun

Marie-Thérèse Walter fut l’une des nombreuses femmes de la vie de Picasso. Elle l’aurait rencontré dans la rue, le 8 janvier 1927, à 17 ans. Picasso en avait 46. Il déambulait devant les grands magasins «à la manière de ses nouveaux amis surréalistes, qui cherchent au hasard l’amour fou» quand il a vu l’adolescente. Il l’a abordée et lui a dit qu’il désirait faire son portrait. Au bout de quelques séances de pose, ils deviennent amants.

Picasso avait Olga dans sa vie. Dans les bras du Minotaure, Marie-Thérèse découvre tout et Picasso peint ses plus belles toiles. Mais l’histoire qui les lie n’est pas claire ; dans la version officielle, il en manque des bouts significatifs. Après une enquête consacrée à Dora Maar (Je suis le carnet de Dora Maar, Stock, 2019), autre femme de la vie du peintre, Brigitte Benkemoun, intriguée par cette énigme, remet sa tenue de détective et part à la recherche de la vérité sur Marie-Thérèse Walter. Picasso l’a maintenue longtemps à ses côtés, dans la clandestinité. Ils ont eu une fille ensemble, Maya, qui a pu porter le nom du peintre au terme d’une longue procédure. Marie-Thérèse s’est suicidée en 1977, quatre ans après la mort de Picasso. Oui, elle était sous l’emprise de l’artiste, et c’est bien de ce pouvoir qu’il est question dans ce livre. Même si Brigitte Benkemoun note que Marie-Thérèse Walter avait largement tendance à «se rêver d’autres vies». (Virginie Bloch-Lainé)

Brigitte Benkemoun, Sa vie pour Picasso, Stock, 150 pp., 20,50 euros (ebook : 15 euros)


«Ne faites confiance à personne», de T.M. Logan

A bord d’un train pour Londres, une inconnue confie son nouveau-né à Ellen. Le temps de téléphoner hors du wagon… dans lequel elle ne reviendra jamais. Le sac du bébé contient un mot, griffonné en vitesse. «S’il vous plaît, protégez Mia. Méfiez-vous de la police. Ne faites confiance à personne.» L’acte était prémédité. De leur courte discussion, Ellen avait compris que la mère était «plus dans son élément en boîte de nuit» qu’avec un enfant et que le père avait l’air violent et dominateur. Du mot laissé, Ellen conclut aussi que le drame n’est pas seulement familial. Le train arrive à Londres et l’intuition se confirme : on la suit, on l’accuse de kidnapping à la télévision, et on l’embarque dans une voiture, cagoulée.

Avec ce nouveau roman, T.M. Logan garantit immersion et frissons. C’est un exercice réussi de courses-poursuites et rebondissements. Il nous embarque dans les pas d’Ellen, de ses choix, de sa personnalité compliquée. Son récent mariage s’est brisé sur son infertilité ; cette enfant, cette aventure, sont pour elle une occasion de prouver «ses capacités».

On s’attache aussi à Mia car on sait bien, dans un thriller, que les pleurs d’un bébé alertent l’ennemi. Il «dépend entièrement des bras qui vont le recueillir» dans ce monde menaçant. Plein de dangers. Parce que oui, l’inconnue nous a prévenus : personne n’est digne de confiance. (B.M.)

T.M. Logan, Ne faites confiance à personne, Hugo et Compagnie, 441 pp., 19,95 euros.


«La Malédiction du Cecil Hotel», de Sonya Lwu

Quand la «youtubeuse du crime» (300 000 abonnés), psycho criminologue et autoproclamée «reine du frisson» – n’en jetez plus ! – Sonya Lwu choisit de raconter l’histoire d’un établissement situé en plein cœur de Los Angeles, cela donne la Malédiction du Cecil Hotel. Meurtres en série, suicides et mort violentes à L.A. Vous souhaitez en finir avec l’existence ? Prenez donc une chambre au Cecil ! On pourrait suggérer ce slogan en exergue. Il faut dire que Sonya Lwu n’a pas à forcer son talent… Aucun scénariste n’aurait osé envisager dans un même lieu une telle profusion de drames. Pas moins de 17 décès officiellement répertoriés, des activités paranormales et quelques grands criminels entraperçus dans ses couloirs sans fin.

Le récit de Sonya Lwu commence par l’affaire Elisa Lam, retrouvée noyée dans le réservoir de l’hôtel, après que les clients se sont plaints de… l’odeur et du goût de l’eau du robinet. Lui a-t-on maintenu la tête sous l’eau ou s’est-elle débrouillée toute seule pour prendre son ultime bain ? On ne le saura sans doute jamais. Elisa Lam souffrait de troubles bipolaires… Conclusion de la «reine du frisson» : «Le Cecil Hotel n’en demeure pas moins le principal suspect dans ce drame. Son histoire, ainsi que sa population peu fréquentable, a probablement poussé Elisa un peu plus loin dans son état délirant. Conjugués à des défaillances de sécurité, tous ces éléments ont pu conduire à la terrible tragédie qui a pris la vie d’une jeune femme de 21 ans.» Elémentaire, ma chère Sonya… (D.A.)

Sonya Lwu, la Malédiction du Cecil Hotel, Robert Laffont, 277 pp, 19 euros.


«Le Mont Blanc n’est pas en France», d’Olivier Marchon

Des idées de voyage pour cet été ? Vous souhaitez visiter la Grèce et vous êtes une femme. Pas de souci, vous pourrez aller n’importe où… Enfin presque. Si vous posez les pieds dans la communauté monastique du mont Athos et que vous êtes «un animal vertébré de sexe féminin», vous risquez jusqu’à un an d’emprisonnement ! A moins (notable exception) d’être une poule ou une chatte…

Un séjour en Yougoslavie ? Ce fut possible en se rendant à Londres le 17 juillet 1945. Churchill créa en effet pour 24 heures la plus éphémère enclave de l’histoire : la suite 212 de l’hôtel Claridge’s, le temps qu’Alexandra de Grèce, épouse du roi Pierre II en exil, accouche. Il était en effet essentiel que leur fils, pour pouvoir prétendre un jour au trône, naisse sur un territoire yougoslave…

Enfin l’Arbézie : cette micronation folklorique coincée entre la France et la Suisse se résume à un hôtel. Cuisine en France, salle à manger en Suisse, chambre helvète, sanitaires gaulois… Petite cause, grands effets, ce statut hors-norme lui permit de jouer un rôle crucial durant la Seconde Guerre mondiale…

Publié en 2013, Le Mont Blanc n’est pas en France (et autres bizarreries géographique) vient de sortir en poche dans une version réactualisée accompagnée de cartes. L’auteur Olivier Marchon y recense une trentaine de lieux et d’Etats, incongrus ou tragiques, témoins de siècles de cohabitation, d’usages et de partages compliqués entre les peuples et les nations. (J.A.)

Olivier Marchon, Le Mont Blanc n’est pas en France, Points, 220 pp., 6,90 euros.


«La Rose des vents», d’Andreï Guélassimov

La note de l’empereur Nicolas Ier figure sur un rapport rédigé après une expédition secrète en Extrême-Orient : «Là où le drapeau russe a été hissé, il ne doit plus redescendre.» Dans le roman d’Andreï Guélassimov, la Rose des vents, le XIXe siècle résonne et éclaire l’actualité guerrière de 2022 d’un prisme expansionniste que Vladimir Poutine semble disputer à ses prédécesseurs impériaux. Le lieutenant de vaisseau Neveskoï a mené à bien sa mission, explorer les confins de l’empire et débusquer de nouvelles voies de navigation, notamment via le fleuve Amour : «La Russie est grande. Il faut traverser le monde entier pour parvenir à son autre extrémité. Mais essayez de vous représenter ce que ce serait si, au lieu de neuf mois, il n’en fallait que deux.»

Le texte publié en 2021 par l’auteur natif d’Irkoutsk est le récit de cette quête d’espace maritime, mais pas seulement. Quelle aventure : on en oublie Poutine, on se replonge dans les intrigues de la cour, on navigue d’une école des enfants de la noblesse à Saint-Pétersbourg vers le Kamtchatka, où l’on voit débarquer les officiers russes avec circonspection et sans-gêne : en dépit de «l’écart de rang patent» entre les officiers et les locaux, «personne ici ne s’inclinait, ne se hâtait d’ôter son chapeau devant un monsieur», sursaute le narrateur. Espionnage, géopolitique et mondanités de salons, les parfaits ingrédients d’une saga d’été. (L.L.)

Andreï Guélassimov, la Rose des vents, édition des Syrtes, 432 pp., 23 euros.