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Libération
Le fantôme de l’architecte (5/6)

Denise Scott Brown, orchestre ou ne pas être

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Portraits d’édifices qui ne virent jamais le jour. Aujourd’hui, l’«Orchestra Hall» avorté du couple Denise Scott Brown et Robert Venturi.
(H. Armstrong Roberts/ClassicStock/Getty Images)
publié le 12 août 2021 à 6h38

Philadelphie, 1987. La musique classique se cherche un toit. L’orchestre symphonique de la ville est à l’étroit dans l’Academy of Music, qu’il partage avec l’opéra et le ballet. La vénérable institution, mondialement célèbre, rêve de grandeur. D’un lieu à soi.

Il lui faut, d’abord, un mécène. Ce sera le milliardaire Sidney Kimmel. Le self-made-man philadelphien, qui a fait fortune dans le prêt-à-porter, n’est certes pas un esthète. De lui, on connaît surtout les nanars hollywoodiens qu’il produit. Mais il veut marquer son empreinte à «Philly». Et il est plein aux as.

Il faut ensuite un grand architecte. Ils seront finalement deux : en juillet sont choisis les stars du postmodernisme Denise Scott Brown et Robert Venturi. Pour les deux architectes, unis dans la vie comme dans le travail (au sein du bureau Venturi, Scott Brown and Associates), c’est une consécration. A 56 et 62 ans, ils ont certes constellé les Etats-Unis et le monde de leurs impétueux projets, mais très peu construit à Philadelphie, leur ville. A fortiori un édifice public de cette envergure : ils disposent ici de 22 800 m2, sur un angle de la mythique Broad Street, en plein centre-ville. Cette réalisation-là fera date.

«Less is bore»

A quelques pâtés de maison du site, dans leur atelier de briques rouges, au cœur du quartier populaire de Manayunk, le duo se met à l’ouvrage. Ils dessinent un géant de verre et d’acier, véritable ode au maniérisme, leur signature. «Less is bore», prêchait Venturi. Leur «Orchestra Hall» ser