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Libération
Les îles mystérieuses

Devon, Poveglia, Nauru, Indian creek, Clipperton, If : «Libé» lève le mystère des îles

Episode 3/5. Dédiée à la recherche scientifique comme Devon, refuge de milliardaires comme Indian Creek… A la découverte de ces bouts de terre paumés au milieu des océans ou récupérés par la littérature, où se télescopent la petite et la grande histoire.
publié le 8 août 2025 à 13h03

Devon : l’île martienne

Située dans l’Arctique canadien, l’île de Devon est la plus grande île inhabitée du monde. S’étendant sur plus de 55 000 km², elle offre un paysage de toundra gelée, de montagnes escarpées et de vastes calottes glaciaires. L’été, la température ne dépasse jamais les 10 °C et descend fréquemment à -50 °C durant les longs hivers polaires, rendant toute installation pérenne difficile. Devon est aujourd’hui dédiée à la recherche scientifique. Son environnement unique en fait un site privilégié pour l’étude sur les conditions de vie martiennes. Le cratère de Haughton, formé par l’impact d’une météorite il y a 23 millions d’années, offre un terrain d’entraînement idéal pour simuler de futures missions spatiales.

Poveglia : «Poveglia per tutti»

Cette petite île de la lagune de Venise a été tour à tour un petit village de pêcheurs dans l’Antiquité, une cité autonome au Moyen-Age, un lazaret pendant la peste noire, un mouroir pour les prisonniers de la résistance italienne pendant la Seconde Guerre mondiale et enfin une maison de repos pour personnes âgées jusqu’à son abandon en 1974. Depuis laissée en ruine, de nombreuses légendes urbaines se sont propagées sur sa supposée réputation de lieu hanté, entraînant un business touristique qui pousse la ville à interdire l’accès à l’île en 2004. Dix ans plus tard, le gouvernement italien, propriétaire de Poveglia, annonce son intention de vendre l’île. Débute alors une bataille qui dure encore aujourd’hui entre Luigi Brugnaro, riche homme d’affaires depuis élu maire de Venise et bien décidé à y implanter des hôtels de luxe, et une association de Vénitiens, «Poveglia per tutti», qui se bat pour sauvegarder l’île de la privatisation et la rendre accessible au plus grand nombre.

Nauru : Le «pays qui s’est mangé lui-même»

Au XIXe siècle, d’immenses gisements de phosphate sont découverts sur l’île. L’exploitation au profit d’entreprises coloniales débute au début du XXe. En 1968, l’île obtient son indépendance et c’est le début d’une grande prospérité économique : le petit pays multiplie les avantages sociaux pour les habitants et investit massivement à l’étranger. Mais dès les années 90, les gisements s’épuisent, les revenus chutent, et la mauvaise gestion financière la précipite dans la faillite. Elle affiche aujourd’hui un taux de chômage de 90%, 72% d’obésité, et une espérance de vie de seulement 62 ans... 80% de l’île est dévastée. Elle est devenue le symbole de ce que le capitalisme peut produire de pire.

Indian Creek : le bunker des milliardaires

Sur cette île artificielle proche de Miami surnommée le «bunker des milliardaires», les grandes fortunes ont trouvé refuge : Jeff Bezos, le fondateur d’Amazon, a acquis trois propriétés sur le même littoral que la star du football américain Tom Brady et la fille et le gendre de Donald Trump, Ivanka Trump et Jared Kushner. Composée de quelques dizaines de maisons seulement, dont la dernière a été vendue 110 millions de dollars, la commune d’Indian Creek s’est imposée comme le lieu de prédilection des ultrariches, prêts à tout pour atteindre le summum de l’intimité, de la sécurité et du luxe. Un pont bloque l’accès au public, et la police municipale utilise caméras et radars pour contrôler les allées et venues. En son centre se trouve un country-club et un golf, aménagements indispensables à la vie quotidienne des résidents.

Clipperton : la garnison abandonnée

Clipperton est un tout petit atoll corallien français situé au large des côtes mexicaines. Longtemps disputée, l’île, sans eau douce ni végétation abondante, est occupée au début du XXe siècle par une petite garnison de soldats mexicains et leurs familles afin de maintenir une présence locale. En 1914, suite à une tempête, l’île se retrouve coupée du monde. Le navire chargé de leur ravitaillement les oublie et l’isolement vire à la tragédie : scorbut et famine s’installent et déciment la petite colonie. Le gardien du phare, Victoriano Alvarez, s’autoproclame roi et règne en tyran sur les quelques femmes et enfants encore en vie. Après deux années de terreur, les femmes décident d’assassiner le gardien et abandonnent son corps aux crabes. Elles et leurs enfants sont finalement secourus le lendemain par un navire américain. L’île est depuis inhabitée, mais souvent visitée par diverses missions scientifiques.

Riff hi-fi à If

Au XVIe siècle, l’îlot d’If est choisi par François Ier pour installer une forteresse afin de défendre Marseille. Charles Quint est effectivement repoussé en 1536. Par la suite, le château devient une prison pendant presque quatre siècles, une sorte d’avant-goût de l’Alcatraz de la baie de San Francisco. Parmi ses prisonniers illustres, on peut citer Mirabeau ou Auguste Blanqui. Mais plus généralement des prisonniers politiques (huguenots après la révocation de l’Edit de Nantes, républicains en 1848, communards en 1871, Alsaciens et Lorrains enrôlés de force dans la Wehrmacht en 1914…). La prison entre dans la légende grâce au roman le Comte de Monte-Cristo d’Alexandre Dumas. C’est là que le personnage d’Edmond Dantès rencontre l’abbé Faria dont la mort lui permet de s’échapper et de rejoindre l’île de Montecristo en mer Tyrrhénienne. En dehors de la fiction, il n’y a jamais eu d’évasion réussie de la prison d’If.