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Les disparus (6/6)

Disparitions volontaires : partir un jour sans retour

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Cold cases, affaires classées, victimes jamais retrouvées… Des années après, certains ne se résignent pas. Aujourd’hui, ceux qui choisissent de partir sans prévenir, sans doute pour changer de vie.
En France, chaque année, environ 10 000 adultes «s’évaporent». (Roxane Lumeret/Libération)
publié le 3 août 2023 à 16h14

En France, chaque année, environ 10 000 adultes «s’évaporent». Plus de nouvelles, mauvaises nouvelles… Franck aurait eu l’idée, en photocopiant un extrait de naissance, de changer d’identité. Adolescent très doué, il était parti s’installer à Paris à 17 ans puis a disparu durant l’été 1974. «C’était mon grand frère, quelqu’un de drôle ! souligne sa sœur Sonia (1). Il écoutait Janis Joplin et Barbara très fort, lisait de jeunes auteurs et des philosophes, puis des anarchistes de gauche. Il a obtenu une mention très bien au baccalauréat, s’est fait exclure de l’école alsacienne… Et puis plus rien. Le début d’une longue attente.» A cette époque, Franck est mineur. «Mais le mot disparition volontaire ne correspond pas à son histoire», poursuit sa sœur.

Son père se consacre alors jour et nuit à la recherche de son fils. Parcourt l’Allemagne, le Royaume-Uni, lit les livres qui le passionnaient, comme ceux du «situationniste» Guy Debord pour essayer de comprendre les motivations de son fils. L’armée se lance également à ses trousses, car Franck est considéré comme déserteur. «Le problème de ce départ est qu’on ne peut y mettre une fin, conclut joliment Sonia. Ma mère ne vit pas avec le départ, mais avec l’absence.»

«J’étais un personnage assez dérisoire»

Le sociologue David Le Breton s’est beaucoup inspiré de ces destins pour son ouvrage Disparaître de soi, une tentation contemporaine (éditions Métailié, 2015). Il nous raconte avoir, lui-même, eu un temps le désir de disparaître.