Joan Baez et Bob Dylan, Fidel Castro et Che Guevara, Adam et Eve, le Petit Prince et le renard… Tout l’été, Libé vous raconte la magie des premiers instants. Pour le meilleur ou pour le pire.
«Il y a huit ans, dans un vieux journal, Paris-Soir, qui datait du 31 décembre 1941 […] j’ai lu : Paris, on recherche une jeune fille, Dora Bruder, 15 ans, 1,55 m, visage ovale, yeux gris marron, manteau sport gris, pull-over bordeaux, jupe et chapeau bleu marine, chaussure sport marron. Adresser toutes indications à M. et Mme Bruder, 41 boulevard Ornano, Paris.» Tel est le récit que Patrick Modiano, dans l’incipit de Dora Bruder, fait de sa rencontre avec la jeune fugueuse qui va changer sa vie et infléchir de manière déterminante son art littéraire. Elle a lieu en décembre 1988. Où se trouvait-il quand il est tombé sur cet avis de recherche ? De quelle couleur était le ciel ? Que cherchait-il ? Fidèle à sa réputation d’écrivain taiseux, il n’a rien voulu en dire à Libération. Mais comme l’évanescente adolescente, il a laissé des traces de sa quête, qu’il est possible de reconstituer.
«Cet avis de recherche m’a profondément troublé. J’imaginais ces parents ayant perdu la trace de leur fille le dernier jour de l’année. Et je voyais bien l’endroit où ils habitaient, je connaissais le quartier», explique-t-il dans un entretien avec Gallimard, son éditeur, <