Un accident, une rencontre, un déclic, un hasard, un coup de folie ou un coup du sort… Cet été, Libération revient sur les moments clés d’une histoire. Et là, tout bascule…
Marthe Richard n’est pas très rassurée. Elle a l’habitude de la foule et de l’attention, mais des discours politiques, elle n’en a jamais donné. Cela ne fait que quelques mois qu’elle est conseillère de Paris. Alors, elle boit un petit verre de rhum pour se donner du courage et elle s’avance à la tribune, chapeau blanc et tailleur clair. A la demande de sa formation, le Mouvement républicain populaire (démocrate-chrétien), elle va prendre la parole pour réclamer l’interdiction dans la capitale des maisons closes, aussi nommées maisons de tolérance. Marthe Richard a 56 ans et elle est célèbre, mais pas en tant que militante abolitionniste.
Si elle est contre la prostitution de longue date, et si les questions de santé lui tiennent à cœur, elle n’en avait jamais fait un combat militant. Peu de gens savent alors que la Nancéenne d’origine, née Betenfeld, fille d’un ouvrier brasseur et d’une mère domestique, s’est prostituée à 16 ans pour échapper à la pauvreté et à ses travaux de couture. Elle y a attrapé la syphilis et s’est retrouvée fichée par la police. C’est de l’histoire ancienne. Deux mariages, deux fois veuve, un passé d’aviatrice, d’espionne, de résistante et d’écrivaine ont effacé tout cela. Elle es