C’est l’histoire d’un avocat qui convainc un médecin dans la chaleur moite d’une nuit mexicaine. En pleine saison des pluies, au fond d’une pièce embrumée, noyée dans l’odeur des cigares. L’avocat est grand, il porte une moustache encore timide. Il a le visage dur de l’homme déterminé, des yeux légèrement plissés qui tombent, rarement, sur son sourire. Le médecin est plus petit. Encore glabre, mais plus pour très longtemps. Lui a le rire facile, mais quand il écoute, ses sourcils se froncent. Ils voilent son regard de rêveur. «Trop beau pour être intelligent», s’était dit en le voyant celle qui est devenue sa compagne, Hilda. Les deux hommes voient poindre la trentaine. Le premier a presque 29 ans, le second vient de fêter ses 27. En 1940, Mexico avait vu mourir Trotski et avec lui une certaine gauche. Quinze ans plus tard, la capitale voit déambuler tout ce que l’Amérique latine compte de révolutionnaires. La Revolución, la vraie, est sur le point d’accoucher. En cette nuit de l’été 1955, Fidel Castro et Che Guevara se rencontrent pour la première fois.
Fidel vient d’arriver au Mexique. Deux mois plus tôt, les autorités cubaines l’ont amnistié après presque deux ans de prison. Il devait en purger quinze pour sa tentative de coup de force contre le régime de Fulgencio Batista. Le jeune homme n’avait pas supporté le coup d’Etat du colonel. C’est ce qui l’avait poussé à attaquer la caserne de la Moncada, le 26 juillet 1953, dans l’espoir de provoquer une insurrection gén