Une jeune femme à forte poitrine, Miss Ko2, a attiré Kanye West dans le studio tokyoïte de Takashi Murakami. La sculpture du Japonais fascinait le rappeur américain, mais aucun des deux hommes n’imaginait que leur rencontre débouche sur une telle complicité. D’autant qu’ils évoluent sur deux planètes distinctes : les œuvres de l’un sont aussi bariolées que la musique de l’autre est obscurcie par un esprit tourmenté. Murakami, qui peint des fleurs hilares et érige des pénis dorés plus grands que lui, a lancé le mouvement Superflat («super plat») pour dénoncer le nivellement culturel tout en perpétuant la planéité de l’art japonais, de Hokusai (1760-1849) aux mangas. Kanye West, lui, multiplie les albums farcis de tubes planétaires et d’idées avant-gardistes. Ils ont donc en commun de brouiller – comme le pop art – les frontières entre création et consumérisme, sans que l’on sache toujours s’ils sont plutôt géniaux, cintrés ou filous.
Kanye West n’a pas manifesté beaucoup d’émotion quand il a visité le studio de Murakami. Mais il a de nouveau contacté le Japonais, quelques mois plus tard, pour lui proposer de réaliser la pochette de son troisième album, Graduation (2007), futur lauréat du Grammy Award du meilleur disque de rap. Une paire d’années et de multiples discussions ont été nécessaires pour accoucher du visuel qui met en scène la satellisation du Dropout Bear, un ours anthropomorphe qui est l’alter ego de Kanye West depuis son apparition sur la poch