Menu
Libération
Une histoire peut en cacher une autre (3/36)

La conquête du pôle Nord entre le faux et le froid

Article réservé aux abonnés
Une histoire peut en cacher une autredossier
Après vingt ans de quête, Robert Peary atteint enfin son but le 6 avril 1909 et rallie le sommet du globe. Mais s’il s’est attaché à entretenir sa stature d’explorateur héroïque, il est peut-être allé un peu vite. Car le premier à cette latitude ultime était en fait un Afro-Américain, Matthew Henson.
Matthew Henson (à droite) et ses compagnons de route en 1910, après avoir exploré le pôle Nord. (The Granger Collection/Collection Christophel)
publié le 18 juillet 2022 à 20h01

Drôle d’endroit pour envoyer une carte postale, même si, pendant la trentaine d’heures qu’il y passa entre le 6 et le 7 avril 1909, le ciel fut plutôt dégagé. Avec des températures atteignant jusqu’à -34 °C, il fallait être sacrément motivé (ou avoir peur de mourir sur le retour) pour prendre le temps d’informer son épouse. C’est pourtant ce que fit le commandant Robert Peary enfin parvenu à sa destination, qu’il convoitait jusqu’à l’obsession : «J’ai fini par y arriver. J’y ai passé une journée. D’ici une heure, je repars en direction de la maison. Bisous aux gamins.» Ces quelques mots suffisent, car Mrs Peary sait parfaitement quel est le point que son mari a atteint avant tout autre être humain : le pôle Nord.

La longue journée qu’il y passe est riche en émotions. Il plante d’abord cinq drapeaux qui symbolisent les Etats-Unis (où il est né en 1856), l’US Navy (dont il est officier) mais aussi sa fraternité d’étudiant, la Croix-Rouge et la paix. Il se photographie avec la petite équipe avec laquelle il a accompli l’exploit : «5 hommes, Matthew Henson, homme de couleur, Ootah, Egingwah, Seegloo et Ookeah, Esquimaux ; 5 traîneaux et 38 chiens», écrit-il dans son journal. Puis il s’attelle à une série d’observations scientifiques. Et s’extasie d’accomplir un trajet en ligne droite qui commence plein Nord et (une fois le pôle passé) finit plein Sud. Chacun ses petits plaisirs.

Vaincre le pôle n’était pas une mince affaire pour Peary, qui avait abandonné à l’