Drôle d’endroit pour envoyer une carte postale, même si, pendant la trentaine d’heures qu’il y passa entre le 6 et le 7 avril 1909, le ciel fut plutôt dégagé. Avec des températures atteignant jusqu’à -34 °C, il fallait être sacrément motivé (ou avoir peur de mourir sur le retour) pour prendre le temps d’informer son épouse. C’est pourtant ce que fit le commandant Robert Peary enfin parvenu à sa destination, qu’il convoitait jusqu’à l’obsession : «J’ai fini par y arriver. J’y ai passé une journée. D’ici une heure, je repars en direction de la maison. Bisous aux gamins.» Ces quelques mots suffisent, car Mrs Peary sait parfaitement quel est le point que son mari a atteint avant tout autre être humain : le pôle Nord.
La longue journée qu’il y passe est riche en émotions. Il plante d’abord cinq drapeaux qui symbolisent les Etats-Unis (où il est né en 1856), l’US Navy (dont il est officier) mais aussi sa fraternité d’étudiant, la Croix-Rouge et la paix. Il se photographie avec la petite équipe avec laquelle il a accompli l’exploit : «5 hommes, Matthew Henson, homme de couleur, Ootah, Egingwah, Seegloo et Ookeah, Esquimaux ; 5 traîneaux et 38 chiens», écrit-il dans son journal. Puis il s’attelle à une série d’observations scientifiques. Et s’extasie d’accomplir un trajet en ligne droite qui commence plein Nord et (une fois le pôle passé) finit plein Sud. Chacun ses petits plaisirs.
Vaincre le pôle n’était pas une mince affaire pour Peary, qui avait abandonné à l’