Ado, je n’y avais jamais prêté attention : on aperçoit la rade de Brest depuis la rue Jean-Jaurès et la rue de Siam. Des centaines, possiblement des milliers de fois, j’ai foulé les trottoirs de ces deux artères, colonnes vertébrales du centre-ville reconstruit à la hâte après guerre. J’ignore où se posait mon regard lorsque j’y flânais le samedi après-midi pour tuer l’ennui, peut-être sur des vitrines colorées de magasins, sans doute aussi sur des filles de mon âge. Il a fallu que je quitte Brest la grise, la terre qui m’a vu pousser, pour que je m’en aperçoive. Chaque fois que je rentre dans la ville de mon enfance, je descends ces rues et la rade est là, à l’horizon devant moi, un rayon de soleil perçant à travers les nuages. Pour nous, Brestois, elle est un point fixe que l’on observe quand c’est la joie autant que la déprime, car on trouve dans cette vue le réconfort de ce qui est immuable. Certains anciens racontent d’ailleurs sur un coin de table qu’à la reconstruction, des architectes avaient eu l’utopie que depuis sa fenêtre, chacun puisse apercevoir la rade en réparation de ce qu’ils avaient perdu lors des bombardements. Un mythe, certes, mais il dit beaucoup de la relation des Brestois à l’océan.
Imposants piliers métalliques
Depuis que je vis à Paris, Brest a beaucoup changé. Ce n’est pas de la nostalgie que de l’affir