Dunkerque a de l’allure, pour qui aime les patchworks de styles. Trente fois détruite, trente fois reconstruite, aiment à dire ses habitants. Ce prix payé pour être à la croisée de deux frontières, maritime avec l’Angleterre, terrestre avec la Belgique, vaut à la ville portuaire une dégaine composite, marquée par ses temps de fulgurances économiques et ses récessions. En ce moment, elle est en phase haute, au début d’une réindustrialisation annoncée comme le messie, 20 000 emplois en perspective. Les grues ponctuent le paysage comme autant de promesses. «Ici, on invente une ville plus belle», dit le slogan de la Communauté urbaine de Dunkerque (CUD).
Imaginaire local
Mais d’abord, honneur aux fastes anciens de la révolution industrielle. L’hôtel de ville, inauguré en 1901, en est la marque, à la charnière de deux siècles. Une monumentale œuvre républicaine, néoflamande, mais avec un roi en majesté, Louis XIV sur son destrier en fronton, qui a racheté Dunkerque aux Anglais en 1662. Il a échappé à l’anéantissement du centre-ville, bombardé par l’aviation allemande pendant l’opération Dynamo, cet improbable sauvetage par mer de l’armée britannique après la déroute de 1940. Il y a une nostalgie, à Dunkerque, des vieilles pierres détruites, le fantasme d’une ville flamande disparue, avec ses pignons en pas de moineaux, ses maisons étroites et hautes, comme à Lille ou Anvers. Pas sûr qu’elle n’ait jamais existé, mais elle hante l’imaginaire local. On chérit la tour du Leughenaer, seul reste