Tous les épisodes de notre série de l’été 2022, «Une histoire peut en cacher une autre», à retrouver ici.
L’image a fait le tour du monde, et elle a tout d’une scène d’amour. Un marin embrasse fougueusement une infirmière, le couple semble hors du temps, Times Square exulte à l’arrière-plan. Nous sommes le 14 août 1945, la guerre est finie et c’est l’affluence des grands jours sur ce carrefour de Manhattan, cœur symbolique de New York. Si la théâtralité de l’instant laisse penser à une mise en scène – comme pour le tout aussi célèbre Baiser de l’Hôtel de Ville du Français Robert Doisneau –, la photographie, signée Alfred Eisenstaedt et publiée dans le magazine Life, est bien prise sur le vif. Elle est rapidement élevée au rang d’icône, pas seulement en raison de la ferveur romantique qui transpire de l’image mais surtout parce qu’elle incarne à elle seule, pour les Américains, la joie du «VJ day» (Victory Over Japan Day), la victoire des Alliés. Six jours après le largage de la deuxième bombe atomique sur la ville japonaise de Nagasaki, l’empereur japonais Hirohito annonce la reddition sans condition du pays. La détresse de son peuple, qui dénombre des centaines de milliers de morts, tran