En ce 1er février 2003, le ciel texan est en feu, balafré de traînées blanchâtres. Comme si une divinité upgradée avait conçu une nouvelle plaie d’Egypte, il pleut du métal sur ce que les Américains appellent la «ceinture de la Bible», ces Etats sudistes pétris de poussière et de prières. De la banlieue bitumineuse de Dallas aux marécages sirupeux de Louisiane, les habitants de ces terres clairsemées appellent le 911. Certains ont vu une boule lumineuse dans le ciel, d’autres le trampoline du jardin fusillé par un ploc-ploc-ploc tombé du ciel. Il est 9 heures du matin, heureusement que les gosses sont à l’école.
Les télés locales commencent à diffuser des bribes de l’orage d’acier. Dans la salle de contrôle de la Nasa, à Houston, le directeur de vol Leroy Cain a compris. Et ordonne : «Fermez les portes.» Façon de dire «c’est fini» aux contrôleurs ruisselants en bras de chemise, qui essayent désespérément depuis plusieurs minutes de rétablir les communications avec Columbia, la navette spatiale dont ils supervisaient le retour sur Terre après deux semaines de mission orbitale jusqu’alors anecdotique. Si ce n’était ce dénouement. En pénétrant l’atmosphère, à moins de 60 kilomètres d’altitude, l’emblématique shuttle américaine s’est désintégrée. Et avec elle les sept astronautes à bord, ainsi que les derniers lambeaux d’ambit