Il avance, d’un pas un peu raide. Entouré d’une foule bruyante d’Africains, étonnés par l’apparition soudaine de cet homme blanc aux confins du lac Tanganyika, dans la moiteur fiévreuse, gluante, de cette fin de matinée tropicale. Il doit se sentir un peu fébrile. Et pas uniquement à cause de cette foule qui grouille comme un essaim d’abeilles, de l’épuisement d’un voyage interminable ou encore des séquelles de cette malaria cérébrale contractée quelques semaines plus tôt. A cet instant précis, le vertige est ailleurs.
Il y a des jours où l’on sait d’avance qu’on joue son destin. Et en cette matinée de 1871, pour Henry Morton Stanley, ce moment-là est arrivé. Comment pourrait-il l’ignorer ? Lui l’aventurier, le journaliste intrépide, a atteint son but. Relevant le défi incroyable de retrouver au cœur de l’Afrique un héros disparu. Le plus célèbre explorateur de l’époque : David Livingstone. Happé par la jungle depuis cinq ans, après avoir fait si longtemps vibrer les cottages de la classe moyenne britannique avec ses exploits. Et voilà qu’il est là, juste au bout de cette allée de huttes en terre, bien réel ! Certes sacrément vieilli et amaigri, vêtu d’un vieux pantalon de tweed rapiécé. Stanley confessera plus tard qu’il aurait bien aimé se lâcher, courir, crier, battre des mains, «fouetter les arbres» et même se jeter au cou de l’illustre disparu pour le couvrir de baisers.
Mais une certaine appréhension et un sens mûrement réfléchi de la bienséance qui «sied à [sa