Premier 8 000. «Grimpe et tais-toi !» Le jour où tout basculera, ils ont signé pour la fermer. C’est, en gros, le contrat passé et imposé par Maurice Herzog à ses compagnons de cordée, Gaston Rébuffat et Lionel Terray. Avant même qu’ils ne fassent route vers l’Annapurna, un des quatorze mythiques points culminant de plus de 8 000 mètres, au cœur de l’Himalaya, le plus haut sommet jamais gravi par l’homme en ce printemps 1950. Un serment d’obéissance, une «interdiction de relater cette expérience», une «renonciation forcée», afin que l’histoire de l’Annapurna reste la propriété de son initiateur, de son chef et de la France. Pour la gloire. Pour la patrie. Pour le drapeau. Après toutes les humiliations de la guerre, la France rêve de grandeur. Et Herzog l’écrit en ces termes : «Au départ, chacun sait que rien ne lui appartient, et qu’il ne doit rien attendre lors du retour. Un idéal très pur est le seul mobile de ces hommes.» On ne saurait mieux dire. «Tout commença d’aller mal à partir de ce moment-là», commentera quelques années plus tard Françoise Rébuffat, l’épouse du célèbre écrivain alpiniste.
Portrait
Le jour où tout a basculé. Le jour où ils sont parvenus au sommet. Herzog le narre héroïquement dans son Annapurna, premier 8 000 (1) devenu un best-seller écoulé à plusieurs millions d’exemplaires : «Maintenant, nous sentons que nous y sommes. Nulle difficulté ne peut nous arrêter. Inutile de nous consulter du regard : chacun ne li