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Libération
Six pieds sous mer (5/6)

Le «Leusden», l’esclavage à fond de cale

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«Libé» explore les fonds marins. Aujourd’hui, au large de la Guyane, des archéologues s’échinent à chercher l’épave d’un navire négrier, dont la découverte offrirait un témoignage inédit sur la traite des esclaves.
Plan du navire négrier «la Marie Séraphique» de Nantes en 1770. (Wikimedia Commons)
publié le 20 juillet 2022 à 22h27

Le naufrage. Premier jour de l’an 1738, au large de la Guyane. Pour le Leusden, la longue traversée touche à sa fin. Parti du port d’Elmina (actuel Ghana) une quarantaine de jours plus tôt, le large voilier pourra bientôt livrer sa cargaison au Suriname. Une cargaison humaine : propriété de la Compagnie néerlandaise des Indes occidentales, le Leusden convoie sous son pont des esclaves africains. Ce jour-là, pour la plupart d’entre eux, sera le dernier. Passé l’île du Diable, la frégate est prise dans une soudaine tourmente ; elle s’échoue douloureusement aux portes du fleuve Maroni. Bientôt le Leusden sombre. Et avec lui ses vies africaines : le capitaine suédois Joachim Outjes et son équipage, avant de déguerpir en chaloupe, ont pris soin de clouer les écoutilles, condamnant à la noyade les quelque 660 captifs.

Le trésor. Confiné dans l’oubli durant trois siècles, le fantôme du navire négrier a refait surface grâce à l’opiniâtreté de deux amis amstellodamois, l’historien d’origine surinamienne Leo Balai et l’archéologue hollandais Jerzy Gawronski. Retrouver l’épave, plaident-ils, offrirait un vestige unique de la traite négrière, et son étude un témoignage décisif : à quoi ressemblait la vie à bord ? Qui étaient les victimes ? Les membres d’équipage ? Lors de ses dix sinistres voyages d’Afrique de l’Ouest vers l’Amérique, le voilier a acheminé plus de 6 500 esclaves africains vers les plantations du Suriname. Le trésor est aussi mémoriel. P