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Libération
Hors de prix (5/6)

Le «Washington Post» le nez dans le bidon

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Pulitzer, Nobel, Goncourt, oscar... Ils ont refusé le graal. Aujourd’hui, l’embarras du prestigieux quotidien quand un article primé s’est avéré monté de toutes pièces.
Janet Cooke sur le plateau du «Phil Donahue Show», en 1982. (Bettmann Archive)
publié le 20 juillet 2022 à 19h26

Jimmy, 8 ans, a une bouille d’ange et une sale addiction à l’héroïne. Ce gamin de Washington voudrait être dealer, comme Ron, le compagnon de sa mère, qui le pique depuis qu’il a 5 ans. «Bientôt, mec, tu vas devoir apprendre à le faire toi-même», dit Ron, enfonçant l’aiguille dans la peau douce de l’enfant sous le regard médusé de Janet Cooke, une journaliste de 26 ans. Fraîchement embauchée au Washington Post, elle tire de sa rencontre avec le petit toxicomane un reportage glaçant. Le 28 septembre 1980, «Jimmy’s World» («Le monde de Jimmy») paraît en première page. Pendant des semaines, la police, le maire, les services sociaux, les profs ratissent la ville pour retrouver l’enfant camé, en vain. Le jury du Pulitzer adore l’article, et Janet Cooke remporte le prestigieux prix décerné par l’université Columbia, catégorie magazine, le 13 avril 1981.

Effet domino

Son nom et son CV commencent à circuler. L’université Vassar, dans l’Etat de New York, appelle le Washington Post pour signaler une erreur : non, Janet Cooke n’est pas diplômée, elle n’a suivi que la première année. Et puis, elle ne parle ni espagnol ni français, contrairement à ce qu’elle prétend. Début de l’effet domino. Les regards se tournent vers l’article, dont personne ne connaît les sources. Janet Cooke assure que l’histoire de Jimmy est réelle. Un collègue l’emmène au sud-est de Washington, où elle aurait rencontré l’enfant. Cooke ne reconnaît rien. Elle finit par admettre, onze heures plus tard, que Ji