Carcan serré pour les jeunes filles du Cours Desir, où l’on avale les bonnes manières, la révérence, dans un Paris blafard encore choqué par le bain de sang de la Première Guerre mondiale. Cette école catholique, qui porte mal son nom, fabrique des mères et des épouses dociles, parmi lesquelles Simone de Beauvoir et Elisabeth Lacoin, dite Zaza, deux gamines que leurs professeurs jugent «inséparables».
«C’était moi le déchet»
Pendant des années, Simone aime Zaza, qui regarde ailleurs, un beau mariage l’attend avec un homme de son milieu, adoubé par Dieu et par sa mère, l’autre divinité de sa vie. Mais le garçon déplaît, et la jeune fille de 21 ans cherche la sortie, à tout prix, allant jusqu’à se donner «un bon coup de hache sur le pied» pour qu’on la laisse tranquille. Elle en a des migraines, elle s’épuise, et une encéphalite virale l’emporte après l’avoir clouée au lit. Ses derniers mots sont pour sa mère : «N’ayez pas de chagrin, souffle Zaza avant de mourir. Dans toutes les familles, il y a du déchet : c’était moi le déchet.»
Simone de Beauvoir est bouleversée par la mort de son amie, qu’elle estime avoir été broyée par la bourgeoisie bigote. Cet événement tragique sera une étape fondatrice du parcours de la philosophe et le visage pâle de Zaza ne cessera de la hanter, visitant ses rêves pour lui rappeler que les survivantes ont une dette à payer.
Dans un tiroir
Pour cha