L’année 1979 passe sur l’Amérique comme une coulée de lave. Une révolution dégage le chah d’Iran et fait bondir le prix du pétrole, vidant les pompes de Seattle à Miami, la grande sécheresse. Un vol s’écrase à Chicago, une centrale nucléaire craque à Three Mile Island, et John Wayne prend sa dernière balle, la vraie, un cancer de l’estomac. Il ne manque plus que la pluie de sauterelles. Les Etats-Unis sont prêts à basculer dans l’ère Reagan. Loin de là, James Baldwin, 55 ans, tient table ouverte à Saint-Paul-de-Vence dans le sud de la France. Depuis une dizaine d’années, l’écrivain, noir et homosexuel, se tient à l’écart de la «folie américaine».
Au creux de sa villa maralpine, il peaufine sa dernière œuvre, un récit où se croiseraient Malcolm X, Martin Luther King et Medgar Evers, ses amis assassinés dans leur combat contre la ségrégation. Baldwin veut raconter son passé avec les géants, ses souvenirs, mais il tourne autour du sujet comme un boxeur timide dans un round sans fin. Il pense que son idée est «impossible» à réaliser. Néanmoins, il griffonne 30 pages de notes et prépare un voyage dans le Mississippi et l’Alabama, à la rencontre des descendants des trois «M». Et si les jambes ne suivent plus, il enverra son assistant. Le livre doit s’intituler Souvenez-vous de cette maison.
«Personne ne m’a jamais fait peur depuis»
Cette maison, c’est le sud des Etats-Unis, le pays d