Bienvenue à Monroeville, ville comparée à un «bocal à poisson». Dans cette bourgade ramollie de l’Alabama, chacun épie le voisin derrière ses stores, et la rumeur est une monnaie aussi convoitée que le dollar. Au dernier recensement, on comptait 6 000 habitants et une anomalie : Monroeville a produit deux titans de la littérature, Truman Capote et Harper Lee, dont l’histoire commune s’emmêle comme un nid de serpents.
Principal suspect
Lee a vécu dans le bocal jusqu’à sa mort, en 2016. Des inconnus, qui lui flanquaient parfois la trouille, frappaient continuellement à sa porte pour tenter d’apercevoir le visage de Scout, l’héroïne de son classique, Ne tirez pas sur l’oiseau moqueur, qui lui ressemblait tant. Le roman américain, publié en 1960, prix Pulitzer, adapté au cinéma, a laissé Harper Lee, 34 ans à l’époque, sans voix. Le grand blanc. Elle ne faisait que rêver des livres suivants, imaginant écrire un «roman victorien», un autre «sur les Nations unies», et même un hommage personnel au bocal qu’elle appelait «Je vais mettre en pièces Monroeville». Mais finalement, rien n’est sorti durant des décennies.
Harper Lee avait pourtant retrouvé la flamme, à la fin des années 70, en découvrant une série de meurtres commis à Alexander City, dans son Alabama natal. Elle a pisté le principal suspect, le révérend Willie Maxwell, un moustachu devenu riche grâce aux assassinats successifs de sa femme, sa deuxième femme, son neveu, son frère et sa belle-fille – toutes leu