Tremblez, braves gens ! Plus la ficelle est grosse, mieux la duperie prend racine. Des conjurés assez bêtes pour livrer leurs plans et leurs objectifs les moins avouables dans des procès-verbaux… Une société secrète qui a ses bases dans un lugubre cimetière. Le tout sentirait la mauvaise production hollywoodienne s’il ne s’agissait de l’histoire des Protocoles des sages de Sion, un faux antisémite notoire qui, aujourd’hui encore, irrigue la sphère complotiste.
En 1903, les temps sont troublés en Russie, les colères montent, le bolchevisme naît. Les services secrets du tsar appliquent une bonne vieille recette : utiliser l’antisémitisme pour canaliser les mouvements sociaux. Le présupposé à faire avaler : l’agitation populaire est le fait d’un complot juif, visant à déstabiliser le monde pour prendre le pouvoir. On l’imagine, ce fonctionnaire qui s’y colle, à la fabrication de ce faux, prêt à paraître dans Znamya, un journal réactionnaire et monarchiste de Saint-Pétersbourg.
Plagiat et antisémitisme
Tiens, ce brûlot français contre le Second Empire écrit par Maurice Joly, Dialogue aux enfers entre Machiavel et Montesquieu, fera l’affaire : il suffit de remplacer le terme «Napoléon III» par «juifs», et «France» par «monde». Le plagiat se corse d’une touche d’antisémitisme pur, inspiré du roman Biarritz de Hermann Goedsche, paru en 1868. Il imagine, dans l’un de ses chapitres, la réunion de douze rabbins dans le cimetière de Prague, pour un petit point informel sur le complot