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Libération
Les guides verts (2/6)

«Les Racines du ciel» de Romain Gary, ivoire clair

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«Libé» raconte les précurseurs de l’écologie moderne et leurs ouvrages. Aujourd’hui, la dénonciation de la chasse aux éléphants dans un roman récompensé du prix Goncourt en 1956.
Un éléphant abattu en Afrique, autour de 1960. (Paul popper/Popperfoto. Getty Images)
publié le 8 août 2022 à 4h16
L’épisode précédent : «Walden ou la vie dans les bois», Henry David Thoreau donne le tronc.

Il faudrait planter le décor mais à Fort-Lamy, au Tchad, c’est lui qui vous plante – de préférence entre les côtes. Dans les années 50, la ville coloniale, qu’on appellera plus tard N’Djamena, grouille de truands et d’illuminés, des Français, des Allemands, des Hollandais, des rescapés, une petite Europe meurtrie qui tente de se refaire après la Seconde Guerre mondiale. Dans cette jungle d’alcool et de fric, un animal original : l’infatigable Morel, ancien résistant et survivant des camps, reconnaissable à sa mallette remplie de pétitions, qui court l’Afrique pour protéger les éléphants chassés pour leur viande et leur ivoire. On l’écoute peu, alors Morel prend le maquis et pétitionne à la carabine. Après la guerre, la guerre continue.

Voilà le canevas des Racines du ciel, écrit «entre midi et deux» par Romain Gary lorsqu’il était porte-parole de la délégation française aux Nations unies, à New York, et publié en 1956. Malgré une poignée de critiques acerbes dans la presse, dénonçant le style «exécrable» d’une histoire «qui ferait les délices des lecteurs de Tintin», ce roman devient son premier grand succès, lauréat du Goncourt, traduit en anglais l’année suivante et adapté au cinéma par John Huston.

«Une monstruosité»

On dit souvent que les Racines du ciel est «le premier roman écologique», oubliant les efforts de George Sand ou de Jean Giono. Il est certain que Gary est en avance. Au mitan du XXe siècle, la défense de l’environnement est encore