La table de mon père
Julie (1), 39 ans, Finistère.
«C’est une table massive, rustique. Elle a été rapiécée par endroits avec des morceaux de bois, un peu comme des empiècements de tissus. On voit toutes les coutures. Toutes les traces de couteaux aussi. Elles sont nombreuses. Mon père les appelle “les paroles”, comme si la table entendait et mémorisait les conversations au fil du temps… Il a un rapport presque animiste aux objets et un attachement très fort à cette table. A ses yeux, elle symbolise le partage, les moments de convivialité en famille, entre amis. A l’origine, elle était dans la propriété de famille du côté de ma mère. Elle était recouverte d’une toile cirée assez moche. Mon père l’aimait déjà. Il a dû la faire raccourcir tellement elle était volumineuse, pour qu’elle rentre dans leur maison. Même avec un bout en moins, elle prenait toute la place. On ne voyait qu’elle ! On y déjeune à douze, à l’aise. A dix-huit en se serrant un peu.
«Mais il y a quelques années, quand mes parents ont dû déménager, la table est vite devenue un problème. Mon père ne parlait que de ça, il était en boucle. Il voulait que l’un de mes frères ou moi la récupérions. “Elle serait parfaite chez toi, je t’assure.” C’était hors de question. Pas tant qu’elle ne plaisait pas mais pour tout ce qu’elle symbolise. Je refusais de faire rentrer chez moi cet objet aussi chargé de sens pour lui. C’est contre toute ma philosophie de vie, qui est d’avancer sans attache matérielle. Ce désir fantasmé de ne pa