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Libération
Déboires d'outre-tombe (2/5)

Louis XIV, du cœur à l’ouvrage

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Organes dispersés, morceaux momifiés, tombes profanées… la vie d’un corps après la mort n’est pas forcément de tout repos. Aujourd’hui, le roi Soleil se retrouve transformé en pigments.
«Intérieur d’une cuisine» de Martin Drolling, peint en 1815. (Wikimedia Commons)
par Juliette Allouche
publié le 15 août 2022 à 21h52

Le 1er septembre 1715 à Versailles, après un règne interminable de plus de soixante-douze ans, Louis XIV, dit le Grand, dans un dernier haut-le-cœur, rendait son âme à Dieu. Malade depuis des années, le monarque succombait à une infection dégénérée en gangrène à cause de son diabète. «Pour faire plus simple, il a subi les conséquences de sa gourmandise», explique Philippe Charlier (1). Ses entrailles sont placées à Notre-Dame de Paris (avec celles de son père Louis XIII) tandis que le corps momifié selon la coutume des rois de France était déposé à la basilique Saint-Denis pour un repos qui aurait dû être éternel.

Plomb des cercueils transformé en balles

C’était sans compter sur les révolutionnaires de 1793 qui, après avoir mis à bas la monarchie, décidèrent de s’en prendre aux dépouilles des monarques désormais détestés. Plomb des cercueils transformé en balles, reliquaires fondus pour en faire des médailles, pierres tombales retaillées et… organes dispersés çà et là, vendus aux plus offrants. Et c’est ainsi que deux peintres, Martin Drolling et Alexandre Pau de Saint-Martin, se retrouvèrent en possession des cœurs du roi Soleil et de son père.

«Présence de tissus humains»

Aucune volonté de sacrilège dans cette étonnante acquisition car depuis toujours le «brun de momie» importé d’Egypte, fabriqué en broyant des corps embaumés avec des résines, était utilisé comme pigment brun-rouge. Dans cette période troublée, les deux artistes virent surtout l’occasion de se procurer de la matière première à bon prix. Et c’est ainsi que la toile Vu