On l’entend râler des cuisines jusqu’au cellier : «Toutes les femmes font trop cuire la soupe de poireaux et pommes de terre.» Dans sa maison de campagne à Neauphle-le-Château (Yvelines), Marguerite Duras joue les mères nourricières. «Je ne supporte pas du tout qu’il n’y ait rien à manger. Il manque des œufs, il me semble que c’est toute la maison qui est atteinte.» Quand les amis partent en balade l’après-midi, elle s’attelle à faire la soupe «pour qu’ils la trouvent prête quand ils auront faim». Jamais on aura lu l’autrice de l’Amant aussi tendrement.
Marguerite Duras n’a pourtant publié aucune recette. Elle tenait un carnet personnel, «les Cahiers du camion», que son fils, Jean Mascolo, a compilé après sa mort avec des extraits de la Vie matérielle et des retranscriptions d’entretiens donnés sur France Culture. La Cuisine de Marguerite paraît en 1999 aux éditions Benoît Jacob et c’est le début d’une guerre intestine entre le fils et Yann Andréa, son compagnon et exécuteur littéraire. Le livre est interdit de réédition… jusqu’en 2017.
Nourriture spirituelle (1/5)
On y trouve 40 recettes piquées à ses amis, «le pot-au-feu Anne Marie Derumier», ou glanées dans ses souvenirs comme le thit kho, porc au caramel vietnamien, «plat national de la Cochinchine et de l’Annam». Listes précises des ingrédients, déroulés