Mentir, c’est comme craquer une allumette. Après une brève lumière, un soupçon de chaleur, la flamme finit toujours par vous dévorer les doigts. Début 1990, dans les synagogues du côté de Dudley, Massachusetts, circule l’histoire folle d’une rescapée. La Belge Misha Defonseca, une sexagénaire blonde, installée dans les environs, raconte à qui veut l’entendre son enfance odyssée. En 1941, la petite juive de 7 ans a fui la Belgique occupée pour essayer de retrouver ses parents déportés. Elle a traversé l’Europe à pied, seule, avalant 3 000 kilomètres dans le froid. Elle a vécu parmi une meute de loups. Tué un soldat allemand. Infiltré le ghetto de Varsovie. Jane Daniel, à la tête d’une petite maison d’édition américaine, se jette sur l’histoire, persuadée de tenir son premier best-seller.
En 1997, paraît Survivre avec les loups (éditions XO en France). «A cause de ce que j’ai vécu, je ne fais plus partie de l’espèce humaine, explique Misha Defonseca à la presse (1). Dans mon âme, j’appartiens au monde animal.» Elle mord d’ailleurs régulièrement Maurice, son mari, et ramasse, au bord des routes, les cadavres d’écureuils éventrés. Elle dit que les rongeurs lui rappellent les jeunes victimes des nazis.
«Elle n’est pas la réalité réelle»
Mais une dispute financière éclate entre l’autrice et son éditrice. Après procès, Jane Daniel est condamnée à verser à Misha Defonseca une somme faramineuse : 22,5 millions de dollars. Ruinée, elle se lance dans un fact-checking vengeur, mobilisant des généalogis