Menu
Libération
Série d'été

Morts blanches : au sommet du K2, nuit glacée et homicide raté

Article réservé aux abonnés
Des histoires de cold cases ou de meurtres en montagne (3/6). Aujourd’hui, les illusions perdues de deux alpinistes abandonnés en pleine nuit.
(James Albon/Liberation)
publié le 28 juillet 2025 à 14h57

«Lino ! Achille ! Vous ne pouvez pas ne pas nous entendre ! Je vous maudis ! Salauds !» Ce 30 juillet 1954, sur les pentes gelées du K2 à plus de 8 000 mètres, Walter Bonatti n’a pas de mots assez durs pour ses deux collègues qui, quelques dizaines de mètres plus hauts, réfugiés dans leur tente, lui refusent leur aide.

La nuit tombe, le jeune alpiniste italien vient de faire plus de 700 mètres de dénivelé avec un sherpa, Madhi, pour apporter au duo de tête les lourdes bouteilles d’oxygène qu’ils doivent utiliser pour l’assaut final le lendemain. Dans le plan prévu, Bonatti et Madhi devaient rejoindre Achille Compagnoni et Lino Lacedelli, et partager leur tente. Mais le campement n’est pas au lieu prévu. Il a été monté plus haut, caché derrière une barre rocheuse. L’obscurité est là, les deux hommes ne peuvent plus avancer sans être guidés… Il va falloir bivouaquer à 8 000 mètres, sans équipement, avec Mahdi, à moitié gelé qui est en train de perdre la raison. «Cette nuit-là, je devais mourir», dira cinquante ans plus tard l’alpiniste au journaliste Charlie Buffet (1). Retour sur un homicide raté.

Au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, l’ascension des plus hauts sommets de la planète est une affaire d’Etats et de drapeaux. En 1954, les Italiens viennent d’obtenir du Pakistan le permis d’ascension du K2. Le «kappa due» comme ils l’appellent, le second plus haut sommet du monde. Une pyramide de roche et de glace qui culmine à 8 611 mètres. Sans doute le