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Drôle d'été pour une rencontre

Philippe Cozette et Graham Fagg, jonction cordiale sous la Manche

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Drôle d’été pour une rencontredossier
Le 1er décembre 1990, deux ouvriers, l’un français l’autre britannique, se serraient la main juste après avoir perforé le dernier tronçon séparant leurs deux pays. Le Calaisien se souvient de cet instant gravé dans l’histoire.
La poignée de mains historique entre Graham Fagg et Philippe Cozette le 1er décembre 1990. (AFP)
publié le 8 août 2024 à 16h30

Joan Baez et Bob Dylan, Fidel Castro et Che Guevara, Adam et Eve, le Petit Prince et le renard… Tout l’été, Libé vous raconte la magie des premiers instants. Pour le meilleur ou pour le pire.

C’est bizarre comme sensation, les jambes coupées. C’est à cause des deux messieurs. Ils ont débarqué comme ça, à l’improviste, un matin. Qu’est-ce qu’ils peuvent bien vouloir ? Le premier est directeur du tunnel et l’autre celui du tunnelier. Des gradés. Ils ont parlé. Voix claires. Requête insensée. La jonction intervient dans dix jours. Philippe est un ouvrier du Calaisis, né et brassé à Calais. C’est lui qui a été choisi pour établir le premier contact. Accepte-t-il ? Les deux hommes s’attachent à une précision : tout ça pourrait créer quelques remous. Philippe est un tracassé, une peur s’empare de lui. Une peur douce, pas une peur qui contraint. Pendant deux jours, il médite : la décision pourrait être lourde de conséquences. Pour lui, mais aussi Marie-Paule et les enfants. Il se fait tout un film. Il laisse son esprit en infusion. Quand on revient aux nouvelles, son choix est fait. Il accueillera l’Anglais.

Trente-trois ans plus tard, Philippe Cozette, 71 ans, le visage digne. «Je n’imaginais pas que ça changerait autant ma vie.» Autour de lui jaillit un bruit furieux. Ce n’est pas un tunnelier trouant la terre sous la Manche : Philippe est dans sa salle à manger. Il n’est plu