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Libération
Nourriture spirituelle (3/5)

Point de vue philo saucisse

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Cette semaine, la culture met les pieds dans le plat. Aujourd’hui, le rapport des philosophes à la nourriture.
Le philosophe Friedrich Nietzsche en 1882. (Mondadori Portfolio/Getty Images)
publié le 2 août 2022 à 20h35

Vous aimez la bonne chère, vous mangez à l’œil et on dit de vous que vous êtes un vrai épicurien ? Contresens à la tablée. Remettons la salière au centre de la table. Les philosophes se sont toujours rangés en deux bans : la clique des frugaux et la bande des hédonistes. Epicure préconisait la mesure en toute chose. La faim étant un «désir naturel et nécessaire», il faut faire en sorte de la couper justement, sans excès aucun. Le plaisir se trouve dans la satisfaction du désir et non dans le repas en tant que tel. La gourmandise reste alors un vilain défaut qui nous rend dépendant du plaisir et nous prive de liberté. Nietzsche reprend ce credo antique, se méfiant comme de la peste des montagnes de saucisses que ses contemporains pouvaient s’engouffrer. S’intéresser à sa digestion pour dresser sa voracité, écouter son corps… Nietzsche développe une philosophie des entrailles comme l’a montré l’ouvrage d’Arnaud Sorosina, Du régime philosophique – Nietzsche diététicien, plus d’un siècle avant que nos intestins se révèlent comme notre deuxième cerveau.

A rebours d’Epicure et de toute la bande des stoïciens, Montaigne s’attaque à l’assiette sans complexe, capable de jeûner la veille pour se «servir plus alaigrement de l’abondance», ce qu’il confie dans le livre III de ses Essais. Amateur de plats en sauce, il se mord souvent la langue «de hâtivité». En revanche, il n’entend rien «ny de salades ny de fruits, sauf les melons». Alors, frugal