«Libiamo !» «Buvons, buvons dans ces joyeuses coupes !» Quand Verdi compose la Traviata en 1853, il transforme la chanson à boire en air d’opéra. Qu’on soit sur la scène de la Scala à trinquer au vin de Pô ou qu’on renverse de la vinasse sur la table d’une taverne, la dive bouteille rassemble. Le brindisi était né, une aria célébrant l’ivresse et la bonne chère, aussi attendu dans les opéras du XIXe qu’une scène de baiser dans les comédies romantiques.
Fils d’aubergiste en Emilie-Romagne, bien élevé au jambon de Parme, Giuseppe Verdi voit passer les musiciens ambulants, les soldats en campagne, attablés et poussant la chanson quand le vin fait de l’effet. Il écoute les joies ivres qui irrigueront ses œuvres. Déjà dans Macbeth, six ans avant la Traviata, il tente le coup : l’air du banquet où le couple maudit noie sa peine «par le vin, l’on se console et l’ennuie s’envole». Plus tard, dans la Force du destin, une auberge avec des soudards avinés où l’on chante que «le dîner est prêt». On sort de ses opéras repus.
Nourriture spirituelle (4/5)
Ses contemporains flairent bon le filon du gueuleton en scène. Johann Strauss fait péter le champagne à la fin de son opérette la Chauve-Souris, le Français Ambroise Thomas fait chanter son Hamlet bien décidé à passer une bonne soirée : «Ô vin, dissipe la tristesse qui pèse sur mon cœur /A moi les rêves de l’ivresse et les rires moqueurs.» La liqueur est amère, la coupe est pleine de mélodrame. Il va