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Une histoire peut en cacher une autre (5/36)

Rendre l’appareil à Gerda Taro, dans l’ombre de Robert Capa

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Une histoire peut en cacher une autredossier
Eclipsée par la célébrité de son amant, la photographe, morte en 1937 pendant la guerre d’Espagne a longtemps été cantonnée à une image de «muse» ou de «martyre». Après des recherches laborieuses, son œuvre, invisibilisée parfois par Capa lui-même, commence à peine à être reconnue.
Gerda Taro et Robert Capa à Paris en 1936. (Feed Stein/Getty Images)
publié le 20 juillet 2022 à 14h27

Pour tout amateur de photographie, Robert Capa est une légende. Le fondateur de la mythique agence Magnum. Le témoin baroudeur qui arpenta plusieurs champs de bataille – de l’Espagne qui le révéla en 1936 au Débarquement de 1944, jusqu’à la guerre d’Indochine où il mourut en 1954 en marchant sur une mine. Pourtant, en ce début des années 90, quand Irme Schaber farfouille dans le fonds du grand photoreporter à l’International Center of Photography, à New York, épluchant planches contacts et négatifs rigoureusement archivés par son frère Cornell Capa, la légende du grand homme est ,pour elle, secondaire. La chercheuse allemande n’a qu’une idée en tête : retrouver la trace de l’œuvre de la jeune photographe qui a partagé la vie du photographe et son travail dans les années 30. Une démarche féministe, car «quiconque s’intéresse aux femmes et à leur histoire est inévitablement porté à interroger attentivement les notes marginales de l’histoire. Gerda Taro fut l’une de ces petites notes qui éveilla mon attention, parce qu’elle représentait un nouvel aliment pour mon ancienne indignation contre la “dissimulation” de l’histoire des femmes». Dissimulation est le mot adéquat, car en plongeant dans les archives, Irme Schaber découvre qu’au dos de nombreux tirages, la signature de la Gerda Taro a été recouverte par celle de Robert Capa. Un effacement littéral, celui de son nom. Un nom d’emprunt, mais tout de même. Une identité niée.

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