Sercq : le dernier état féodal d’Europe
Petit territoire anglo-normand au large du Cotentin, Sercq abrite 600 habitants. Autonome mais rattachée à la couronne d’Angleterre, elle est dirigée par des seigneurs successifs depuis le XVIe siècle qui doivent s’acquitter d’un «loyer annuel» de 50 shillings au roi d’Angleterre, propriétaire direct de l’île. En 1993, David et Frederick Barclay, deux frères milliardaires attirés par la fiscalité avantageuse de l’île, rachètent l’îlot de Brecqhou, et entreprennent de moderniser les pratiques de l’île en matière de succession et de système politique. Sous pression, Sercq finit par organiser la première élection parlementaire de son histoire en 2008. Mais les deux frères, finalement déçus par les résultats de l’élection, continuent leur guerre d’opinion : en 2009, ils lancent une gazette critique à l’égard des personnalités de l’île, la population répond en organisant sa toute première manifestation contre l’ingérence des Barclay surnommé sobrement le «printemps de Sercq».
Tromelin : l’île aux esclaves oubliés
En 1761, l’Utile, navire de la Compagnie des Indes, avec à son bord, 120 hommes d’équipage et 180 esclaves embarqués en fraude à Madagascar, fait naufrage sur l’île Tromelin. L’ensemble de l’équipage et environ la moitié des malgaches survivent. Deux mois plus tard, les marins quittent l’île sur un radeau, abandonnant les Malgaches. Après des tentatives de sauvetage ratées, les naufragés tombent dans l’oubli. C’est seulement quinze ans plus tard que les huit uniques survivants (sept femmes et un enfant) sont enfin secourus. Grâce aux matériaux de l’épave, ils ont réussi à survivre dans des conditions extrêmes, sur ce bout de terre d’un kilomètre carré sans arbres ni eau douce, battu par les alizés et cerné par les déferlantes.
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Tikopia : l’île face à ses limites
Habitée depuis plus de 3 000 ans, l’île de Tikopia, dans les Salomon, tente d’assurer sa pérennité face aux menaces du monde moderne. Les chefs de tribu y exercent un contrôle rigoureux sur l’économie locale et la démographie, refusant notamment l’usage de l’argent. Pendant des siècles, un strict contrôle des naissances (mariages tardifs, plantes contraceptives et, parfois, infanticides) a permis de maintenir la population sous la barre des 1 800 habitants. L’arrivée des Européens a peu à peu fait disparaître ces pratiques, mais avec près de 2 000 habitants, Tikopia est aujourd’hui face à un problème de surpopulation et d’épuisement des ressources. En 2018, le roi Ti Namo alertait : «Avant, nous subissions un cyclone tous les dix ans. Aujourd’hui, c’est tous les deux ans.»
Loc’h : l’île privée de Bolloré
L’île du Loc’h, la plus grande île de l’archipel des Glénan, située dans le Finistère, appartient à la famille Bolloré depuis 1924, après la signature d’un bail emphytéotique de très longue durée. En 1947, la famille accueille sur son île les premiers stages nautiques de l’association «les Glénans», pour les refuser à partir de 1949, gênée par la mixité du public. L’association déménage et prend ses quartiers sur une île voisine, Penfret. L’île du Loch est aujourd’hui interdite aux visiteurs, à l’exception de ses plages, situées dans le domaine public. En 2023, Vincent Bolloré embauche le militant néonazi Marc de Cacqueray-Valménier, condamné plusieurs fois pour violences, comme responsable de la sécurité de l’île. En mai dernier, une flottille antifasciste baptisée «Levons les voiles contre l’empire Bolloré» manifeste autour de l’île et sur la côte en dépit d’une interdiction préfectorale jugée contestable par les organisateurs.
North Sentinel : un des derniers peuples isolés du monde
L’île de North Sentinel est habitée depuis des millénaires par une communauté de chasseurs-cueilleurs refusant tout contact avec le monde extérieur. Peu d’information existent sur leur mode de vie, chaque tentative d’approche s’étant heurtée à une forte hostilité de la population, accueillant régulièrement les visiteurs par des volées de flèches. En 1996, les autorités indiennes ont donc décidé d’interdire l’accès à l’île pour protéger tant les autochtones que les visiteurs. Malgré cette interdiction, en 2006, deux pêcheurs illégaux sont tués par les Sentinelles, puis un missionnaire évangéliste en 2018. A ce jour, cette tribu reste un des derniers groupes humains non contactés.
World : un monde à l’abandon
L’archipel The World est un projet immobilier démesuré comme seul Dubaï ose en entreprendre. Il se compose d’environ 300 îles artificielles disposées pour dessiner une carte stylisée du monde. Accessible uniquement par bateau ou hélicoptère, l’ensemble s’étend sur près de 9 km sur 6. Lancé en 2003, il devait accueillir résidences, hôtels de luxe et complexes touristiques. Le projet a été fortement ralenti par la crise financière de 2008, et même si, depuis, certains développements ont repris, la majorité des îlots reste à ce jour à l’état de bancs de sable désertiques. Pour continuer à exister, les îles doivent sans cesse être entretenues faute de quoi, elles disparaîtraient en moins d’une décennie, englouties par la mer.