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Libération
Sound-system revolution (1/6)

Kingston fait sa mise amplis

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Ces deux mots ont changé le cours de la musique populaire pour devenir le haut-parleur des sans-voix. Aujourd’hui en Jamaïque, l’un des berceaux de ce mouvement diasporique.
Le sound-system Youth Promotion, en 1987, à Kingston. (Beth Lesser)
publié le 23 juillet 2021 à 20h49

Nous sommes en 2016. Au crépuscule, la brise tropicale fait bruisser les palmiers et renforce l’étrangeté du lieu. Un hôtel colonial quasi abandonné sur les hauteurs de Montego Bay, en Jamaïque. Bois exotiques, velours élimés. En guise de Ian Fleming, un personnage culte s’avance péniblement : 99 ans, un regard translucide de cataracte. Son nom est Jones, Hedley Jones. Un homme rare, un Géo Trouvetou à qui l’île doit son premier télescope, ses premiers feux de circulation. Mais aussi et surtout, l’avènement des sound-systems en tant que phénomène futurement global.

Dernières perles de jazz

Ancien radariste dans l’armée anglaise, Jones a utilisé sa maîtrise des ondes pour fabriquer son premier ampli à la fin des années 40. Le but ? Donner envie à la rue d’acheter les dernières perles de jazz US qu’il vend dans sa boutique de disques. Sauf qu’un beau jour, un dénommé Tom Wong, qui anime une après-midi dansante avec sa microsono dans le parc d’en face, se fait mettre à l’amende par celle de Hedley. Furieux, il exige du disquaire qu’il lui construise le même ampli. «Je l’ai fait… se marrait alors Hedley, décédé en 2017. Tom a été le premier à appeler ça un sound-system.» Sous le nom de Tom the Great Sebastian, Wong devient l’un des premiers selectors connus de Jamaïque, les noms des DJ dans le reggae.

Depuis ce clash originel, l’escalade. Les décennies suivantes, l’île vibre au son des sonos de plus en plus pachydermiques et des batailles homériques qu’elles se livrent. On raye les no