Menu
Libération
Conversations

Un jour, un livre : «Promenades avec Robert Walser» de Carl Seelig

Aujourd’hui, les conversations entre deux écrivains suisses du XXe siècle sur les routes de l’Appenzell.
publié le 21 août 2021 à 9h04

«A Herisau, Robert dégaine son parapluie et désigne le buffet de la gare : “En avant ! De la bière et de l’ombre !”» Promenade du 12 août 1945. C’est un dimanche, quelques jours après Hiroshima et Nagasaki. Carl Seelig a pris rendez-vous avec l’écrivain suisse Robert Walser (1878-1956). L’auteur de l’Institut Benjamenta et des Enfants Tanner, encensé par Franz Kafka, vit depuis 1933 dans une maison de santé où il restera jusqu’à sa mort. Il a été mis sous tutelle, n’écrit plus mais participe à des activités d’ergothérapie comme plier et coller des sacs en papier. Depuis neuf ans, Seelig, un journaliste et écrivain, intervient pour faire rééditer son œuvre et marche régulièrement avec lui sur les routes de l’Appenzell, en Suisse orientale. Dans une nouvelle édition, Promenades avec Robert Walser fait entendre au long de vingt années la voix du poète reclus. Carl Seelig raconte les déjeuners dans des auberges, détaille l’aspect vestimentaire de ce randonneur en costume trois-pièces et surtout restitue des pans entiers de conversation. Parfois le comportement de Walser, sa réserve, en font un double de ses personnages. On l’entendra qui «marmotte des bribes incompréhensibles à l’adresse des feuillages roux de l’automne». Mais quand Seelig l’interroge sur la possibilité d’un éventuel roman ayant pour sujet la maison de santé, sa lucidité est entière : «Peut-être que si je vivais deux ou trois ans à l’extérieur de l’hospice, en liberté, alors peut-être la grande percée se produirait.»

Carl Seelig Promenades avec Robert Walser, traduit de l’allemand (Suisse) par Marion Graf, Zoé, 224 pp., 21 €.