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Libération
Le Procès du siècle: rencontre

Sur la route, en prenant son temps...

Le procès du siècle, délibérations citoyennesdossier
Paris-Aalborg, au nord du Danemark, à vélo électrique. En s’arrêtant chaque soir chez l’habitant pour prendre le temps de discuter et de découvrir. Eloge de la lenteur.
Balade en vélo électrique le long de la Seine vers Montesson (Yvelines). (Tripelon Jarry/Only France via AFP)
publié le 11 janvier 2022 à 9h58

Il est parti le 8 novembre avec le projet de rejoindre le nord du Danemark depuis Paris : soit 1 384 kilomètres à vélo électrique, au rythme de 170 kilomètres par jour. Donc, une vitesse avoisinant les 17 km à l’heure.

Son grand principe, c’est «ne rien préparer», s’arrêter vers 19h30 de s’inviter chez les gens. «Je fais cela depuis plusieurs années, explique Jean-Baptiste Martinon. Je demande dans deux ou trois maisons. En général, je trouve ! En Allemagne, ils dînent super tôt ! Ils ne comprenaient pas trop le principe. Tandis que les Néerlandais et les Belges se sont montrés super curieux et souvent contents. En Allemagne, alors que je ne trouvais rien, un soir, c’est un hôtel qui m’a offert une chambre.»

Le cycliste appelle cela «la technique du pied dans la porte». Il demande un endroit au chaud pour dormir. Le reste suit. On lui propose une douche, une invitation à dîner.

«Rouler au moins deux heures de nuit par jour»

Jean-Baptiste Martinon n’est pas avare d’anecdotes. Parmi ses rencontres en Allemagne, alors qu’il neigeait légèrement, il a soudain vu «trois mecs qui tiraient une poussette pleine de bouteilles de vodka et de vin et une grosse enceinte avec la musique à fond… Ils marchaient entre copains, c’était leur soirée du samedi soir… ils étaient fin saouls et m’ont proposé de venir dormir chez eux !» Ou cette fois où il s’est fait jeter dehors par un mari jaloux…

Pour le reste, le cycliste raconte avec humour qu’il devait «rouler au moins deux heures de nuit par jour», comment il a traversé les forêts hostiles en se faisant peur avec pour seule arme disponible sa lampe frontale, les gants de vaisselle utilisés pour protéger ses mains quand la pluie tombait à verse. Le soir, invariablement, il finissait «explosé». De Douai (Nord) à Amsterdam (Pays-Bas), il a roulé avec Matthieu Tordeur, un de ses bons potes, explorateur polaire.

Le but de ce voyage ? «On l’a un peu perdu en cours de route… Il s’agissait donc d’aller demander aux Danois s’ils étaient bien les plus heureux du monde» ? Depuis des années les sondages les donnent grands vainqueurs du bonheur sur terre. Martinon considère que c’est un «critère très important, aller demander directement : «Er du glad ? Es-tu heureux ?» Ils ont tous répondu oui !»

«Basculer dans un autre univers»

Mais au fond, ces journées de vélo l’ont surtout permis d’apprécier cette manière de vivre en «contemplatif». «Je ne vais pas vite, je roule longtemps. J’adore le voyage à vélo. Cela permet de parcourir de vraies distances. Il me reste beaucoup d’images en tête. Au lever du soleil, tu as l’impression que la vie reprend. Le soir, il y a une sorte de mélancolie heureuse qui s’installe au moment du coucher du soleil. L’impression de basculer dans un autre univers…»

Son périple s’est terminé à Aalborg, ville du nord Danemark où il a décidé, pour sa dernière soirée, de prendre un hôtel. «Je suis allé dans un bar. J’ai bu une bière et passé la soirée devant un match du Danemark avec des supporters. Ils m’ont invité à dormir chez eux.» Le lendemain, après quatorze heures de train, il était rentré chez lui. Rapide. Trop rapide.

Espace de débats pour interroger les changements du monde, le Procès du siècle se tient chaque lundi à l’auditorium du Mucem à Marseille. Libération, partenaire de l’événement, proposera jusqu’en mars, articles, interviews et tribunes. Thématique du mois de janvier : le temps. Informations et réservations sur le site du musée.