Pendant quatre ans, nous nous sommes indignés, avec une fascination malsaine, devant ce concentré d’égotisme, de racisme, de sexisme, d’homophobie, de simplisme que représentait Donald Trump. Marche avant, marche arrière, point mort. Notre personnel politique, notre environnement médiatique, quelles que soient leurs failles et leurs faiblesses, nous paraissaient protégés par un attachement irréfragable à la démocratie, jamais nous ne sombrerions aussi bas. Nous nous sommes trompés. Hystérisation du débat public, appels à la haine, rejet de l’autre, gauche en miettes et donc inaudible, droites extrêmes galvanisées et acclamées… la société française est bien en voie de trumpisation. Comment en sommes-nous arrivés là ? A cette campagne électorale médiocre faite de rendez-vous ratés, d’invectives et de fake news ? Qu’avons-nous fait de nos avancées démocratiques, culturelles, sociétales ?
C’est ce terreau délétère qui a permis à Eric Zemmour d’émerger dans le débat public, en se présentant comme le chantre du «c’était mieux avant», du retour aux valeurs chrétiennes, à la prééminence blanche, à la haine du musulman comme certains, avant, alimentaient le rejet du juif. Nous en sommes là : un candidat multicondamné pour racisme et révisionnisme, et pourtant capable de percer dans les sondages. Une candidate d’extrême droite toujours forte malgré ses faiblesses. Une candidate de la droite traditionnelle contrainte de se radicaliser pour engranger les soutiens. Un président de la République et candidat omniprésent, qui se veut au centre mais tire vers la droite. Une gauche qui ne parvient plus à faire rêver. Et une bonne partie de la société tentée par l’abstention faute de leaders et de projets évidents.
Dans ses pages Idées, chaque jour, Libération publie des chroniques, tribunes, enquêtes qui racontent ce chambardement à travers le regard de sociologues, philosophes, juristes, ou historiens. Nous en avons sélectionné certaines, enrichies de dessins de Coco, car, face au repli sur soi, le débat d’idées devient vital.