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Tribune

Un réseau francophone dédié aux droits de la nature

Le procès du siècle, délibérations citoyennesdossier
Les animaux ou les plantes ont désormais des droits, avec un tribunal européen des écosystèmes aquatiques ou la déclaration des droits des arbres. Un réseau francophone s’est créé en 2021 pour soutenir toutes ces initiatives et défendre le vivant contre les activités qui le détruisent.
Un écureuil roux, à Illiers-Combray (Eure-et-Loir). (Photo Jean-François Monier. AFP)
publié le 24 janvier 2021 à 12h10
(mis à jour le 16 mars 2022 à 10h02)
Espace de débats pour interroger les changements du monde, le Procès du siècle se tient chaque lundi à l’auditorium du Mucem à Marseille. «Libération», partenaire de l’événement, propose articles, interviews et tribunes sur les sujets abordés. Thème de ce lundi 21 mars: «Pour nous sauver, faut-il laisser la terre tranquille?» Informations sur le site du musée.
Texte initialement publié le 24 janvier 2021.

Face au bourgeonnement d’initiatives pour la reconnaissance des droits de la nature en France et en Suisse, des associations locales de défense de la nature et des acteurs oeuvrant sur les dynamiques annoncent officiellement la création d’un réseau francophone pour les droits de la nature.

Partout les écosystèmes forestiers et aquatiques sont mis en danger par les activités humaines : pollutions, déforestation, extractions minières ou pétrolières, surexploitation des sols, ressources ou artificialisation des terres.

Notre constat est le suivant : le droit de l’environnement actuel ne permet pas de protéger ou de préserver efficacement les écosystèmes naturels, en raison d’un rapport déséquilibré entre l’activité humaine et la nature et cela au détriment de l’ensemble des espèces. Des droits reconnus à la nature permettent d’insuffler un changement de paradigme et de rééquilibrer le rapport humain-nature. Il est nécessaire de protéger les écosystèmes avant même leur destruction, car les réparer est impossible. L’humain ne peut remplacer la nature. Il ne peut pas non plus continuer de s’opposer au reste du vivant.

Le droit au respect et à la régénération

L’Equateur, la Nouvelle-Zélande, la Colombie, l’Australie et de nombreux autres Etats ont d’ores et déjà sauté le pas. Dans ces Etats, les écosystèmes, les animaux, ou les plantes remportent des victoires devant les tribunaux officiels, en se voyant octroyer une personnalité juridique, pour leur valeur intrinsèque, et afin de défendre notamment leurs droits à vivre et à exister, leurs droits au respect et à la régénération. Le mouvement pour la reconnaissance des droits de la nature grandit dans le monde entier.

En France et en Suisse, le mouvement avance aussi. En bord de Loire, dernier fleuve naturel d’Europe, un Parlement est né, initié en 2019 par le Polau-pôle arts & urbanisme initie en 2019 la démarche d’un parlement de Loire avec l’écrivain juriste Camille de Toledo pour donner une voix au fleuve et à tout son écosystème. En avril dernier, suite à la pollution massive de l’Escaut par une multinationale, l’association Valentransition portait à son tour le projet d’un Parlement du fleuve. En 2019, une déclaration des droits des arbres était présentée devant l’Assemblée nationale par l’association A.R.B.R.E.S. Puis, un collectif de 310 enfants issus de 10 pays européens, coordonné par la journaliste Elsa Grangier rédigeait une déclaration européenne des droits de la planète transmise à la Commission européenne. En septembre 2020, l’association suisse id·eau a lancé «l’Appel du Rhône» pour la reconnaissance d’une personnalité juridique au fleuve, de son glacier à son delta.

De janvier à septembre 2021, le réseau européen de l’Alliance mondiale pour les droits de la nature organisera le premier tribunal européen des écosystèmes aquatiques. Il jugera cinq cas emblématiques d’écocide en France et en Europe.

Une mer de glace qui ne cesse de se retirer ; des millions de tonnes de boues rouges toxiques déversées au cœur du parc national des Calanques, anéantissant toute vie aquatique ; l'utilisation illégale de mercure pour l'extraction de l'or en Guyane affectant dramatiquement les écosystèmes et les humains qui en dépendent ; l'eau du lac Vättern, deuxième plus grand lac suédois, bientôt impropre à la consommation pour près de 250 000 habitants du fait des activités militaires et d'un projet d'extraction minière ; et la disparition certaine de 11 espèces de poissons, ainsi que le risque d'extinction d'au moins 38 autres, visées par l'aménagement de 2 500 barrages hydroélectriques sur les rivières des Balkans.

Défendre le vivant devant la justice

Les droits de la nature sont un outil essentiel pour défendre le vivant devant la justice afin qu’il ne soit plus perçu comme un environnement passif, inerte, à la merci des dérives. La personnalité juridique est déjà accordée aux entreprises et à d’autres personnes morales, alors que la nature, qui vit et nous fait vivre, se voit encore privée de ses droits. L’eau parcourt notre air, nos sols, remplit nos cellules, et en ce sens reflète la santé générale du vivant. Sans eau, point de vie. Les forêts sont les poumons de la Terre, les rivières et fleuves en sont ses veines, il est urgent de reconnaître leurs droits !

Avec les signataires de cette tribune, nous créons aujourd’hui le Réseau francophone pour les droits de la nature. Son objectif : accompagner partout dans les pays francophones en Europe, les défenseur·ses des droits de la nature pour lutter contre les activités qui la détruisent.

En 2021, parce que protéger le vivant c’est nous protéger, parce qu’ensemble, notre voix est plus puissante, affirmons haut et fort l’urgence de reconnaître des droits à la nature !

Signataires : Association A.R.B.R.E.S, Georges Feterman, Elsa Grangier, Global Alliance for the Rights of Nature, id·eau, Appel du Rhône, Nature Rights, Notre affaire à tous, Polau-pôle arts & urbanisme, Valérie Cabanes, Marie Toussaint, Marine Calmet, Wild Legal, Valentrensition, Parlement de l’Escaut.